Geneviève Grandbois revient du Costa Rica où elle possède une plantation depuis quelques années. La chocolatière avait peu parlé de cette nouvelle acquisition car elle n'était pas du tout certaine de pouvoir un jour avoir des cacaoyers qui lui donnent des fèves assez intéressantes pour les transformer en chocolat.

Après des efforts obstinés et des aventures rocambolesques, la plus célèbre chocolatière du Québec devrait pouvoir transformer son cacao dès cette année. Il n'y en aura pas des tonnes. Environ une dizaine de kilos, ce qui est assez pour faire à peine plus d'un millier de tablettes de chocolat. Une goutte d'eau dans un océan, mais une goutte incroyablement significative: ce sera son chocolat!

 

«Je voudrais réussir à produire le meilleur cacao biologique au monde et n'exploiter personne au passage», avoue tout de go Geneviève Grandbois, rencontrée à son retour de voyage, à son bar de chocolat du Quartier DIX30 à Brossard.

Bio, parce que la jeune femme est elle-même très soucieuse de son alimentation. Une «utragranola» autoproclamée qui mange cru, la plupart du temps.

L'idée n'était pas de se lancer dans l'agriculture, mais de réussir à produire une matière première à la hauteur de ses critères de qualité. Le cacao bio présentement disponible sur le marché ne l'est pas.

«Il y a trois métiers en chocolat, explique Geneviève Grandbois. Le producteur de cacao, le cacaofévier, qui transforme les fèves, et la chocolatière.» Les produits de la dernière dépendent des efforts des deux autres. En devenant productrice, Geneviève Grandbois veut mieux contrôler toute la chaîne.

Elle utilise du cacao de plusieurs origines et continuera de le faire pour travailler des chocolats aux goûts plus complexes. Mais il y a longtemps, elle s'était juré de s'installer un jour au Costa Rica. C'était bien avant qu'elle ne soit chocolatière.

Lorsqu'elle s'est mise à s'intéresser de plus près à l'origine des fèves qui finissent en petits carrés dans ses chics présentoirs, elle a mis le cap vers l'Amérique centrale.

La chocolatière a eu un coup de foudre pour une vieille plantation: 95 hectares de végétation sauvage dans un tout petit village. Des cascades et des montagnes. Des arbres de cacao, oui, mais aussi des manguiers et des avocatiers. Elle a acheté au prix du marché sans demander d'étude de faisabilité. Tant mieux, car elle n'aurait jamais conclu cette transaction en sachant qu'il n'y avait pas grand-chose de faisable dans ce bout de jungle. Elle compare maintenant cet achat à un élan de folie, mais ne le regrette pas. Après quatre ans de durs labeurs, la terre la remercie. Ses vieux arbres donnent des fruits.

La chocolatière s'est installé un petit abri sur sa plantation: un toit et une table. Les toilettes sont prévues pour l'année prochaine. Elle vient d'y passer trois semaines, avec sa plus jeune fille qui a 5 ans.

On croirait avoir affaire à Indiana Jones. C'est vrai, mais ce n'est pas tout. Geneviève Grandbois est aussi une entrepreneure avisée. Lorsqu'elle a lancé sa gamme éponyme en 2002, elle savait où elle voulait aller. Et surtout, où elle ne voulait pas aller.

Elle avait une seule employée à l'époque et le chocolat se faisait dans un sous-sol du centre-ville.

Les choses ont évoluées. Dans sa vie et dans la gastronomie québécoise.

«Il s'est passé quelque chose au Québec depuis 10 ans», dit-elle. Les goûts ont évolué, les métiers de la bouche sont plus reconnus. Elle-même y a contribué. «Quand j'ai commencé, je voulais apporter quelque chose à mon métier, dit-elle. Pourquoi faire du chocolat si on ne peut pas faire quelque chose d'autre?» La reconnaissance est vite venue.

Tranquillement, elle a aussi développé ses aptitudes entrepreneuriales. Un exemple? Son service d'entreprise. Les chocolats Grandbois sont souvent offerts à des congrès ou des soirées mondaines, parfois même avec le logo de l'entreprise cliente, présentés dans ces petites boîtes métalliques qui les distinguent.

«Le corporatif me permet de réaliser mes rêves», explique la chocolatière.

Car il en reste beaucoup. Geneviève Grandbois n'a que 35 ans et on peut soupçonner que sa plantation du Costa Rica n'est que le début d'un projet de valorisation de la matière première qui s'harmonise avec ses propres valeurs.

D'ici là, ses chocolats viennent d'obtenir leur passeport pour les États-Unis. Le but n'est pas d'y envoyer des chocolats, mais d'ouvrir des boutiques, à l'image de celles du DIX30, du marché Atwater ou du Mile End. Les produits seraient mis en valeur et les clients sauraient exactement ce qu'ils achètent. Les conseillères maîtriseraient bien le vocabulaire chocolat, si près de celui du vin. Elles pourraient vanter les mérites de ce superbe cacao maison, du Costa Rica. Ce sera peut-être la prochaine étape, mais la chocolatière ne la franchira pas seule.

Geneviève Grandbois adore développer toutes ses recettes. Elle magasine ses cacaos, s'intéresse à leurs origines, à leurs saveurs et à leur histoire. C'est ce qu'elle préfère. Elle vit aussi assez bien avec son nouveau titre de propriétaire-exploitante d'une plantation, parce que la qualité du chocolat en dépend. Mais le développement de marché, en sol américain et éventuellement ailleurs, non merci. Elle est à la recherche de son âme soeur qui aurait cette bosse des affaires, mais qui partagerait aussi sa vision. Puisque c'est ce qui l'a menée jusqu'à la brousse du Costa Rica.

Les candidats intéressés sont priés de laisser leur CV au bar à chocolat...