L'un des fonds spéculatifs les plus en vue de Wall Street, SAC Capital, va verser un record de 1,8 milliard de dollars et abandonner tout un pan d'activité pour s'extirper d'une vaste enquête pour délit d'initié.

«SAC Capital, l'un des fonds spéculatifs les plus gros et les plus puissants au monde, a accepté de plaider coupable, de fermer son activité d'investissements pour des tiers et de payer la plus grosse amende de l'histoire pour des délits d'initiés», a annoncé lundi le procureur de Manhattan, Preet Bharara, lors d'une conférence de presse.

Les 1,8 milliard de dollars se répartissent pour moitié entre des pénalités pénales et civiles, et comprennent 616 millions de dollars que SAC avait déjà accepté de payer en mars lors d'un autre accord avec le gendarme boursier américain (SEC).

Si les autorités américaines n'ont toujours pas réussi à épingler au pénal le propriétaire de SAC, le milliardaire Steven Cohen, elles l'ont contraint à réduire ses activités d'investissement.

Selon les termes de l'accord passé avec les autorités et soumis lundi à la justice, SAC accepte en effet de «ne plus recevoir de fonds d'investisseurs extérieurs et de fermer ses opérations de conseil en investissement».

En clair, il ne pourra plus investir que pour le compte de ses salariés et de M. Cohen. Ce dernier détient la 117e fortune mondiale, selon le classement de référence du magazine Forbes. Investie également dans l'art et l'immobilier, elle était évaluée à 9,4 milliards de dollars en septembre.

SAC, qui depuis sa création en 1992 reste assez secret sur ses activités, n'a pas chiffré la part de son activité qu'il abandonnait.

Selon des estimations du Wall Street Journal, le fonds gérait pour 14 milliards de dollars d'actifs en début d'année, dont 6 milliards de dollars pour des tiers, mais a déjà été confronté à des retraits massifs de ces derniers, chiffrés à plus de 5 milliards de dollars à la fin juin.

M. Bharara a indiqué pour sa part lors de sa conférence de presse que l'amende payée par le fonds représentait 20% à 25% de ses actifs restant, qui atteindraient donc au maximum 9 milliards de dollars.

Pas d'institution «trop grosse pour être condamnée»

Dans un communiqué, SAC dit «endosser la responsabilité d'une poignée d'hommes» ayant reconnu s'être rendus coupables de délits d'initié et affirme n'avoir «jamais encouragé, soutenu ou toléré les délits d'initiés».

Les autorités américaines, qui ont depuis longtemps le fonds spéculatif et son fondateur dans le collimateur, évoquent pour leur part «une mauvaise conduite généralisée et sans précédent», selon les mots de M. Bharara.

Les faits reprochés remontent pour certains jusqu'à 1999. SAC est accusé d'avoir alimenté ses investissements pendant plus d'une décennie grâce à des délits d'initié. La longue liste des entreprises sur lesquelles il aurait bénéficié de «tuyaux» comprend de nombreuses sociétés technologiques comme Yahoo!, Dell ou Research in Motion (devenu aujourd'hui BlackBerry), ou encore des groupes pharmaceutiques comme Elan ou Wyeth.

Six anciens salariés de SAC ont accepté de plaider coupables et deux autres sont accusés d'avoir acheté ou vendu des actions sur la base d'informations privilégiées.

M. Bharara n'a pas exclu d'autres poursuites, martelant que l'accord de lundi n'assurait «d'immunité à aucun individu», sans jamais citer nommément M. Cohen.

Les autorités n'ont pas pu jusqu'ici prouver l'implication personnelle du milliardaire. Elles se sont contentées d'une plainte au civil en juillet au motif qu'il n'a pas empêché les employés de SAC de les commettre.

M. Bharara, engagé dans une véritable croisade contre les délits d'initiés, a prévenu que l'affaire avait valeur d'exemple pour les institutions se croyant «trop grosses pour être condamnées».

L'agent du FBI chargée de l'enquête, April Brooks, a ainsi lancé un avertissement à «ceux qui, à Wall Street, vénèrent le personnage de Michael Douglas, Gordan Gekko», qui dans le film Wall Street d'Oliver Stone personnifiait l'investisseur sans scrupules: «La façon dont vos salariés gagnent de l'argent est aussi importante que la somme qu'ils gagnent.»