Demandes d'assurance-emploi en hausse, baisse surprise de la production manufacturière à Philadelphie, indicateurs économiques plus faibles que prévu: les signaux inquiétants concernant l'économie américaine se sont multipliés hier, plombant les Bourses et le moral des travailleurs américains.

«C'est clair que la reprise n'a pas la vigueur qu'on espérait qu'elle ait à ce stade-ci», a résumé Francis Généreux, économiste principal au Mouvement Desjardins.

Les données qui inquiètent le plus sont certainement celles sur l'emploi. On a appris hier que 12 000 Américains ont déposé une demande d'assurance-emploi la semaine dernière, faisant grimper le total des demandes à 500 000 - un sommet en neuf mois.

Les économistes s'attendaient pourtant à une baisse du nombre de demandes.

«C'est indéniable que la reprise américaine perd de son mordant, et rapidement», constate Sébastien Lavoie, économiste à la Banque Laurentienne.

«On savait bien qu'au lendemain de tous les efforts musclés mis en place par (Barack) Obama et (Ben) Bernanke, la croissance n'allait pas être aussi rapide qu'en début de reprise. Mais la rapidité avec laquelle la croissance s'amenuise surprend un peu tout le monde», dit-il.

Les marchés ont évidemment réagi hier. Les indices du S&P 500 et du Dow Jones ont reculé respectivement de 1,69% et 1,39%, tandis que le TSX cédait 0,60%.

Voir les Américains aller cogner à la porte du gouvernement pour demander de l'assurance-emploi est loin d'être une bonne nouvelle, puisque ces gens sont peu susceptibles de se retourner pour aller ensuite dépenser ou s'acheter une maison, des gestes essentiels pour remettre la première économie mondiale sur les rails.

Autre signe négatif révélé hier: dans la région de Philadelphie, la production manufacturière a reculé pour la première fois depuis un an, une baisse inattendue qui laisse croire que les usines sont frappées par le ralentissement. L'indice de la région a atteint son plus bas niveau depuis juillet 2009.

Pour ajouter au pessimisme, le Conference Board américain a aussi publié hier son indice composite des indicateurs avancés, un chiffre qui comprend 10 variables touchant autant le marché du travail et la production industrielle que la consommation et les taux d'intérêt. Cet indice est censé indiquer de quel côté penchera l'économie dans le futur. Si l'indice a progressé d'un maigre 0,1% en juillet, Stéfane Marion, économiste en chef à la Banque Nationale, note que le gros de la contribution positive provient d'une seule composante, soit la différence entre les taux d'intérêt des bons du Trésor sur 10 ans et le taux directeur. Selon lui, le chiffre dévoilé hier représente donc davantage un signal négatif que positif.

«Les données publiées ce matin sont décevantes, admet l'économiste, dont les prévisions figurent souvent parmi les plus optimistes quant à la reprise américaine. Je pense quand même qu'au moment où on se parle, c'est plutôt annonciateur d'un passage à vide de l'économie américaine qu'un signe de rechute.»

Selon M. Marion, il est possible que les entreprises américaines subissent actuellement les contrecoups de la crise européenne du printemps, alors que les finances de la Grèce, du Portugal et d'autres avaient resserré les conditions de crédit et affecté la confiance.

Retour en récession?

Au Mouvement Desjardins, son collègue Francis Généreux parle plutôt d'un scénario de reprise lente et ardue aux États-Unis.

«À ce stade-ci de la reprise, on aimerait voir une croissance d'au moins 3% pour générer de l'emploi. Mais là, on s'enligne sur une croissance de 2%, sinon encore plus faible, pour les prochains mois. Ce n'est pas assez pour générer de l'emploi et de la confiance.»

Selon lui, la possibilité d'un retour en récession au sud de la frontière est en train d'augmenter.

«Ce n'est pas le scénario principal, ce n'est pas ce qu'on croit qui va nécessairement arriver. Mais c'est la deuxième possibilité. On pourrait mettre facilement entre 30 et 40% de probabilité de retour en récession», dit-il.

À la Laurentienne, son collègue Sébastien Lavoie évalue plutôt la possibilité d'un retour en récession aux États-Unis à 20%.

«Il n'y a pas que du négatif, les nouvelles sont mixtes. C'est un peu pêle-mêle», souligne l'économiste.

Selon les économistes, l'économie canadienne devrait continuer de mieux s'en sortir qu'aux États-Unis grâce à son marché intérieur et son secteur immobilier plus solides. Mais la reprise qui s'enraye au sud de la frontière pourrait finir par plomber davantage les exportations et donc freiner la croissance canadienne par ricochet.

Pendant ce temps au Canada...

L'indicateur avancé composite a ralenti, ayant enregistré une hausse de 0,4% en juillet après avoir progressé de 0,7% en juin, a dit Statistique Canada hier. Le ralentissement est principalement attribuable au secteur des ménages, où trois composantes ont chuté, a ajouté l'agence fédérale. Aucune des sept autres composantes n'a diminué. L'indice du logement (-4,1%) a continué à se replier par rapport aux sommets atteints récemment. Les mises en chantier ainsi que les ventes ont contribué au recul. La contraction des ventes de maisons s'est reflétée dans la diminution de 0,6% des ventes de meubles et d'appareils électroménagers. La demande d'autres biens durables a affiché sa cinquième baisse consécutive. Le secteur de la fabrication a poursuivi sa reprise progressive. Les nouvelles commandes de biens durables ont augmenté de 2,2%, soit sa sixième hausse consécutive. Les livraisons à la hausse ont contribué à la remontée constante du ratio des livraisons aux ventes. Les augmentations de la demande dans le secteur de la fabrication sont conformes à la croissance soutenue de l'indicateur avancé américain ("0,4%), même si ce dernier a lui aussi connu une croissance plus modérée en raison du ralentissement de la demande des ménages. - La Presse Canadienne