Le financier américain Bernard Madoff, auteur de l'une des plus gigantesques escroqueries de tous les temps, a été condamné lundi à 150 ans de prison par un tribunal de New York, devant lequel il a demandé pardon à ses victimes.

«Bernard Madoff est condamné à 150 ans de prison. Ainsi en a décidé cette Cour,» a déclaré le juge Denny Chin.

Ce dernier a ainsi abondé dans le sens du ministère public, qui avait requis la peine maximale.

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«Le message doit être clair que les crimes commis par M. Madoff sont extraordinairement malveillants et que ce genre de manipulation du système n'est pas un crime qui se produit simplement sur papier, mais qui au contraire a pris des proportions édifiantes», a commenté le juge.

A 71 ans, l'ancienne coqueluche des milieux financiers, qui a jonglé pendant trente ans avec les milliards de dollars confiés par des banques, des particuliers ou des organisations caritatives, avait plaidé coupable en mars de 11 chefs d'inculpation, dont fraude, parjure, blanchiment d'argent et vol. Il a en revanche toujours nié avoir des complices.

Madoff, qui était depuis mars incarcéré loin du confort de son luxueux appartement de Manhattan, dispose de 10 jours pour faire appel de sa condamnation, laquelle le destine à finir sa vie derrière des barreaux.

Son avocat Ira Sorkin avait demandé une peine de 12 ans d'emprisonnement, «suffisante» selon lui étant donnés les remords de l'ex-roi de Wall Street.

Avec une peine aussi lourde, les conditions de sa détention, entre un régime aménagé - comme d'autres cols blancs - ou le partage d'une cellule avec les criminels les plus violents, devront être tranchées par le Bureau des prisons.

Le porte-parole de la Maison Blanche Robert Gibbs a vu dans la condamnation «un signal très fort à quiconque investit l'argent des autres, de sa responsabilité qu'il a envers ces investisseurs et ce pays».

Arrivé lundi matin au tribunal, Bernard Madoff est resté impassible devant le juge et a brièvement demandé pardon aux victimes présentes dans la salle.

«Je devrai vivre avec cette douleur le reste de ma vie (...). Je demande pardon à mes victimes. Je suis désolé», a-t-il déclaré, avant d'ajouter: «Je laisse un héritage de honte à ma famille».

Dans un communiqué, sa femme Ruth Madoff s'est dite «trahie» par «l'homme qui a commis cette fraude horrible», qui «n'est pas l'homme que j'ai connu pendant toutes ces années».

Neuf anciens clients de Madoff ont pris la parole pour témoigner de leur faillite personnelle et réclamer la peine maximale.

«Qu'il reste en cage derrière des barreaux!», a lancé une femme en pleurs, tandis qu'une autre victime a souhaité «que sa cellule de prison devienne son cercueil».

Le juge Chin a déclaré ne pas avoir reçu une seule lettre de proches témoignant en faveur de Madoff, y voyant un signe «révélateur».

Dans ses précédents aveux, Bernard Madoff a avoué n'avoir jamais investi un centime des sommes qu'il avait en portefeuille. Il avait monté un «schéma de Ponzi» --nom d'un de ses prédécesseurs des années 20--, qui consistait à rémunérer les investisseurs avec l'argent déposé par de nouveaux clients.

Le système a fonctionné jusqu'au jour où les demandes de retrait ont explosé avec la crise de l'automne 2008.

L'affaire avait éclaté le 11 décembre, lorsque les autorités ont annoncé l'arrestation du patron du fonds «Bernard Madoff Investment Securities».

Au total, selon les enquêteurs, 13 milliards de dollars ont été remis à Madoff. Les pertes se chiffreraient entre 50 et 65 milliards, correspondant aux gains qu'auraient engendré les sommes prêtées si les intérêts avaient été réels.

Le juge Chin a repoussé sa décision sur les sommes à restituer aux victimes à dans 90 jours afin de laisser du temps au liquidateur judiciaire pour évaluer l'argent perdu. Environ un milliard de dollars ont été restitués à ce jour.