La dernière chose dont le marché de l'aluminium a besoin en ce moment, c'est une augmentation de production, estime le nouveau président et chef de la direction de Rio Tinto Alcan Métal, qui indique ainsi que les projets d'avenir de l'entreprise au Québec sont sur la glace pour encore longtemps.

Le prix très bas du métal sur le marché est «un challenge important» pour Rio Tinto Alcan, reconnaît Arnaud Soirat, qui est maintenant responsable de la production mondiale de métal primaire de la multinationale.

C'est un changement de la garde. Le Français de 48 ans succède à Jean Simon, qui vient de prendre sa retraite après 34 années de service dans l'entreprise, et à Jacynthe Côté, qui occupait ce poste avant de prendre les commandes de toute la filière aluminium de Rio Tinto.

Contrairement à ses prédécesseurs, Arnaud Soirat a eu d'autres employeurs. Péchiney, d'abord, puis Alcoa, et depuis trois ans, Rio Tinto Alcan.

Un mauvais moment

Il arrive à un bien mauvais moment. La maison mère Rio Tinto regrette d'avoir acheté Alcan à prix fort en 2007 et le marché de l'aluminium tarde à se rétablir après la crise qui l'a frappé en 2008.

«On est une industrie cyclique, relativise-t-il au cours d'une entrevue avec La Presse Affaires. C'est le quatrième ou cinquième cycle que je vis dans l'industrie de l'aluminium.»

Au prix actuel de l'aluminium au London Metal Exchange, 50% des alumineries du monde ne font pas d'argent, estime Arnaud Soirat.

Rio Tinto Alcan en fait encore, mais pas beaucoup. En 2012, la filière aluminium a apporté seulement 3 millions US de profits au bilan de Rio Tinto, une misère si on tient compte des énormes investissements en jeu.

C'est dans ce contexte qu'arrive le nouveau patron de la production d'aluminium. Il voit son rôle ainsi: «L'idée est de pouvoir générer de l'équité même en période de bas prix pour être mieux positionné quand le marché reprendra.»

Des décisions «douloureuses»

En pratique, ça signifie mettre en oeuvre des décisions «douloureuses» déjà prises par la maison mère, reconnaît-il.

Rio Tinto Alcan a regroupé une poignée d'usines jugées insuffisamment rentables dans une filiale à part, Pacific Aluminium. Officiellement, ces usines sont à vendre depuis 2011, mais des analystes croient que Rio Tinto Alcan devra se résoudre à les fermer, parce que personne n'en veut.

Arnaud Soirat laisse les analystes faire leurs analyses.

«L'objectif de l'entreprise n'a pas changé, c'est de vendre ces actifs», dit-il.

Après la fermeture de l'usine de Lynemouth en Angleterre, qu'il a supervisée comme responsable de la production en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient, Arnaud Soirat doit faire d'autres suivis difficiles. La vente de l'aluminerie de Saint-Jean-de-Mauriennes, en France, et les fermetures de deux usines au Québec, à Arvida et à Shawinigan, en font partie.

D'autres décisions aussi douloureuses sont-elles à venir, notamment pour les usines canadiennes qui ont été relativement épargnées jusqu'ici? Probablement, selon lui.

«On est dans une industrie où il faut qu'on soit en mouvement permanent, parce que si on arrête de bouger, on recule», dit-il.

Engagements respectés

Cela dit, le nouveau dirigeant assure que les engagements d'investissement et d'augmentation de la production pris par Alcan auprès du gouvernement québécois en 2006 seront respectés. Certains le sont déjà, dit-il, comme la construction de l'usine-pilote de nouvelle technologie AP-60, dont la production doit commencer sous peu.

Les autres projets pourraient mettre du temps à se réaliser. C'est le cas des phases 2 et 3 de l'AP-60, des expansions à Alma et à l'aluminerie Alouette, à Sept-Îles. «On continue à travailler dessus, mais il est clair que fondamentalement, maintenant, le monde n'a pas besoin de production supplémentaire», dit le PDG.