Les manifestations et les pétitions n'y changeront rien, ou si peu : la transformation de plusieurs métaux ne se fera pas au Québec, car les entreprises qui oeuvrent dans ces secteurs n'ont aucun avantage à s'installer ici, selon le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc.

La raison? Le Québec n'est qu'une filière «d'appoint», pas assez influente pour dicter les règles, croit M. Leblanc. Selon lui, mieux vaut comprendre les facteurs d'installation des entreprises et travailler avec celles-ci plutôt que d'imposer des activités qui ne sont pas dans les champs de compétences des sociétés.

«L'adoption d'un nationalisme des ressources naturelles, où les entreprises minières seraient contraintes de transformer leurs minerais localement, pourrait s'avérer néfaste pour l'industrie québécoise, qui utilise une part importante de métaux importés pour pallier le manque de ressources locales», lit-on dans le document «La transformation métallique et la métropole : un alliage durable et prometteur», préparé pour la Chambre de commerce.

Au sujet du diamant, M. Leblanc est catégorique. «Il n'y a pas de raison logique pour une entreprise d'aller à contre-courant et d'ouvrir des installations ici. La capacité de transformation du diamant en Asie est très importante, et ce qu'on veut faire ici ne sera pas rentable en main d'oeuvre. Les gens ici ne veulent pas travailler à ce coût-là», lance-t-il en référence à «la main-d'oeuvre bon marché de l'Asie», pour reprendre son expression.

Mais quand on se compare, on se console, nuance M. Leblanc, en citant notamment l'exemple de l'industrie du cuivre, que le Québec transforme dans une proportion sept fois plus élevée qu'il ne l'extraie. À ce sujet, prudence avec la traçabilité, qui pourrait à son avis priver le Québec du minerai étranger.

«Il serait complètement illusoire de penser que la traçabilité du minerai est rentable pour le Québec», déclare-t-il. «Dans le cas du cuivre, on le perdrait.» Normand Mousseau, professeur et auteur du livre « Le défi des ressources minières», est du même avis. «On importe nous aussi du minerai brut, comme la bauxite qu'on transforme en aluminium», illustre-t-il. «Il y a un échange.» Des quotas ciblés, en fonction des industries, sont cependant envisageables à son avis. À noter, les secteurs de première et de deuxième transformation métallique soutiennent respectivement près de 19 800 et 56 000 emplois. Or chaque tranche supplémentaire de tonnage de transformation au Québec représente 758 millions de dollars et près de 8000 emplois additionnels.

Prise de conscience collective «Nous assistons à une prise de conscience collective de l'importance des ressources naturelles pour notre économie», note M. Leblanc dans l'étude, et pour cause. Il estime que l'exploitation des ressources naturelles a «mauvaise presse» et que les jeunes boudent l'industrie. «Autant on vante les ressources humaines du Québec, autant on a peur qu'elles disparaissent», dit M. Leblanc. «Le milieu est inquiet, parce que peu de jeunes sont intéressés par l'extraction.» En déplorant au passage le «nihilisme» de certains manifestants, il propose d'améliorer le secteur de la transformation métallique en modernisant et en maximisant la productivité des usines existantes ou en investissant dans les métaux dits émergents, comme les terres rares et le lithium. La mise en place d'un environnement d'affaires propice à la transformation locale est également prônée. «Nous pourrions peut-être revoir à la baisse le congé fiscal de dix ans pour les projets de 300 millions et plus», propose M. Leblanc.

Au syndicat des Métallos, le directeur québécois Daniel Roy propose que les redevances payées par les entreprises soient modulées en fonction de la proportion de la transformation effectuée au Québec. Ugo Lapointe, fondateur de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, souhaite maximiser la transformation des ressources non renouvelables au Québec. «Nous croyons toutefois que le Québec doit considérer l'option d'obliger de la transformation sur son territoire et ne pas seulement recourir à des mesures volontaires», ajoute-t-il.

Mais l'industrie en amont du développement minier ne doit pas s'en trouver négligée, avertit M. Mousseau. «Ce sont des industries de très haute technologie, observe-t-il. C'est là qu'on retrouve l'argent et le savoir-faire, que ce soit celui de géologues ou de personnes qui mettent au point de l'équipement sophistiqué.» Surtout, croit-il, le Québec doit se doter d'une vision intégrée qui, selon lui, donnera au Québec un meilleur contrôle du développement. «Il faut augmenter la durabilité des retombées, tant économiques que sociales», conclut-il.