Que Québec et les investisseurs se le tiennent pour dit: l'opposition des Cris à l'uranium est de la même trempe que celle contre le projet hydroélectrique Grande-Baleine, au début des années 90. En entrevue avec La Presse Affaires, jeudi, le chef de la nation crie de Mistissini, Richard Shecapio, a répété vouloir tout faire pour que son message anti-uranium soit clair.

Depuis la fin de 2010, Mistissini s'oppose au projet d'exploration avancée Matoush, mené sur son territoire de trappe traditionnel par la société Ressources Strateco, de Boucherville. Si la société a gagné l'appui des Jamésiens de Chibougamau et Chapais, les Cris ont toujours exprimé leurs profondes inquiétudes quant aux risques de l'uranium, surtout au chapitre de la contamination de l'eau.

Moratoire

En août, le Grand Conseil des Cris s'est rangé derrière Mistissini en décrétant un moratoire permanent (lire un bannissement) de l'exploration et l'exploitation d'uranium sur l'ensemble du territoire cri. Légalement, ce n'est pas contraignant pour le projet de Strateco, mais ça complique la décision de Québec d'appuyer ou non le projet. Le sous-ministre de l'Environnement devra trancher après la décision de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, attendue bientôt et dont le chef Shecapio s'attend à ce qu'elle soit positive.

«On espère pouvoir travailler en collaboration avec le PQ pour discuter de l'enjeu de l'uranium, qui n'affecte pas seulement les autochtones, mais l'ensemble de la population du Québec», soutient Richard Shecapio. Et le chef de rappeler aussitôt que les Cris ont âprement combattu le projet Grande-Baleine - rappelons les multiples recours judiciaires, l'arrivée très médiatisée de Matthew Coon Come en canot à New York, et l'appui de Robert Kennedy Jr. «C'est la même opposition» dans le cas de l'uranium, affirme M. Shecapio.

Pas de négociation

Le chef de Mistissini assure que la position des Cris est ferme et qu'il n'y a pas d'espace pour la négociation. «La population a exprimé une forte opposition, non seulement en lien avec le projet Matoush, mais sur les mines d'uranium en tant que tel. Il y a très peu de gens qui ont exprimé leur soutien au projet. Je ne vois pas de chance que notre communauté change de position.»

Par la force des choses, avec dans leur cour le projet d'uranium le plus avancé au Québec, les Cris se retrouvent à l'avant-plan du débat sur la filière de l'uranium au Québec. Ils ont des alliés, incluant plusieurs groupes écologistes et plus de 300 municipalités qui ont adopté des résolutions anti-uranium.

M. Shecapio rappelle aussi qu'en 2009, le PQ avait demandé l'instauration d'un moratoire (temporaire celui-là) sur les mines d'uranium. Durant la dernière campagne électorale, Pauline Marois n'a toutefois pas évoqué l'idée de moratoire et a indiqué, dans une entrevue au Devoir, que le PQ «n'avait jamais rejeté d'emblée l'exploitation de l'uranium». «Ça dépend dans quelles conditions ça se fait», avait-elle ajouté.

La semaine dernière, la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, a indiqué à La Presse Affaires que le gouvernement allait étudier très sérieusement la possibilité de lancer un Bureau d'audiences publiques sur l'environnement sur l'ensemble de la filière de l'uranium.

En attendant, le chef Shecapio n'exige pas explicitement le départ de Strateco, qui a déjà investi plusieurs dizaines de millions dans ce projet. Mais, «en tant que gouvernement local responsable, on fait ce qu'on peut pour informer les investisseurs qu'il y a de l'opposition dans notre communauté», souligne-t-il.

Le chef Shecapio a tenu à préciser que sa communauté n'est pas contre le développement, comme en fait foi selon lui l'exploitation de la mine Troilus, dans les années 2000, et le développement du projet diamantifère Renard.