Le gouvernement de Terre-Neuve serait plus avisé d'augmenter le prix de l'électricité pour réduire la consommation dans la province plutôt que d'engloutir des milliards de dollars dans le développement hydroélectrique du Bas-Churchill, au Labrador.

Ce ne sont pas les environnementalistes de la province qui le disent, mais un professeur de science économique à l'Université Memorial de Terre-Neuve, Jim Feehan.

Dans une analyse publiée hier par l'Institut C.D. Howe, le professeur souligne que le prix de l'électricité à Terre-Neuve est basé sur le coût moyen de production et non sur le coût de la nouvelle production. Si les consommateurs payaient le vrai prix de l'électricité, ils réduiraient leur consommation et l'ajout de la très coûteuse capacité du Bas-Churchill ne serait pas nécessaire, estime-t-il.

Le même conseil vaut pour le Québec, où le prix de l'électricité est basé sur le coût de production très bas des plus anciennes centrales hydroélectriques, a indiqué le professeur. «Plusieurs économistes du Québec sont d'ailleurs du même avis que moi», a-t-il dit en citant les travaux de Jean-Thomas Bernard.

Quand une entreprise vend son électricité à un prix plus bas que ce qu'il lui en coûte pour augmenter sa production, il en résulte une perte pour l'économie, explique le professeur.

Dans le cas de Terre-Neuve, qui s'apprête à dépenser 4,4 milliards de dollars pour construire des installations hydroélectriques sur la rivière Muskrat Falls et pour transporter cette électricité vers l'île de Terre-Neuve et vers la Nouvelle-Écosse, il s'agit d'un projet «prématuré et imprudent», estime Jim Feehan.

Avec un prix de l'électricité plus élevé, la province pourrait satisfaire ses besoins croissants en électricité avec des éoliennes et des petites centrales hydroélectriques, à un coût beaucoup plus bas, selon lui.

Le projet de développement du Bas-Churchill est actuellement en examen par le Public Utilities Board de la province, qui doit remettre son avis au gouvernement le 31 mars.

Terre-Neuve a décidé de développer seule le potentiel hydroélectrique du Bas-Churchill après avoir échoué dans ses discussions avec Hydro-Québec et d'autres investisseurs intéressés. Le projet est coûteux parce qu'il prévoit la mise en place de liens sous-marins pour acheminer l'électricité du Labrador vers l'île de Terre-Neuve et vers la Nouvelle-Écosse.

La province a obtenu un engagement du gouvernement fédéral pour l'aider à financer une partie de cette interconnexion qui lui permettrait éventuellement de concurrencer Hydro-Québec sur le marché de la Nouvelle-Angleterre.