Les échos provenant d'Ottawa à propos d'un plan spécial d'aide pour les usines de pâtes à papier, afin de contrer les bonis fiscaux obtenus par leurs concurrentes américaines, suscitent un certain scepticisme dans l'industrie papetière.

Car avant que se précisent ces échos, encore amplifiés hier par un quotidien torontois, des représentants de l'industrie forestière doutent de la suffisance des intentions attribuées au gouvernement Harper.

«Tant mieux si les usines de pâte à papier obtiennent un coup de pouce fédéral. Mais ailleurs dans l'industrie forestière, il y a une crise qui continue d'empirer», a indiqué Yves Lachapelle, directeur au Conseil de l'industrie forestière du Québec.

«De plus en plus d'entreprises de produits forestiers qui ont survécu à la crise jusqu'à maintenant parviennent au bout de leur réserve financière. Et pour continuer, leurs banques demandent des taux exorbitants, jusqu'à 15% à 20% dans certains cas», a soutenu M. Lachapelle, en entretien avec La Presse Affaires au sortir d'une réunion avec le ministre Claude Béchard, responsable des Ressources naturelles au gouvernement du Québec.

Cette réunion préparait la présentation, ce matin à l'Assemblée nationale, de la réforme du régime d'approvisionnement forestier.

Mais dans l'immédiat, selon Yves Lachapelle, en surplus d'une aide fédérale spécifique aux usines de pâte, c'est d'un coup de pouce pour l'accès au crédit à moindre coût dont l'industrie des produits forestiers aurait le plus besoin.

Ce sentiment est partagé par les principaux représentants syndicaux de l'industrie forestière.

«Nous espérons qu'il y aura plus que des rumeurs d'un plan fédéral d'aide, et que le premier ministre Harper s'éveillera enfin à la gravité de la crise dans l'industrie forestière» a commenté Dave Coles, président du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier.

«Pour le moment, cette rumeur d'un plan d'aide d'un milliard pour les producteurs de pâtes à papier n'apparaît qu'une manoeuvre de relations publiques par le gouvernement conservateur», selon M. Coles.

Selon les échos provenant d'Ottawa, le plan temporaire d'aide aux usines de pâtes viserait à compenser le crédit d'impôt spécial obtenu par les usines américaines pour leur usage comme carburant industriel de la «liqueur noire», un sous-produit de la production de pâtes à papier de type kraft.

Ce crédit d'impôt aux «biocarburants», étendu aux papetières l'an dernier par Washington, a rapidement gonflé à hauteur de 8 milliards US en équivalence de subventions fiscales.

Par conséquent, un tel crédit fiscal est devenu un désavantage financier considérable pour les usines canadiennes de pâtes à papier face à leurs concurrentes américaines, même si elles ciblent les mêmes marchés.

D'ailleurs, dans sa plus récente analyse de l'industrie papetière, publiée hier, le Conference Board du Canada assimile cette subvention fiscale aux usines américaines à une situation où «la liqueur noire s'est transformée en or noir».

Selon l'organisme, ce crédit d'impôt permettrait aux usines américaines de pâte de couvrir jusqu'à 60% de leurs coûts de production.

Par ailleurs, en attendant un plan fédéral spécifique à ce sujet, le Conference Board a aussi mis à jour un pronostic économique encore sombre pour l'industrie papetière au Canada.

Il anticipe pour 2009 une septième année consécutive de déficit d'exploitation, de l'ordre d'un demi-milliard de dollars en tout.

Quant à un éventuel retour à la rentabilité, le Conference Board ne l'envisage pas avant deux ans, vers la fin de 2011.

Et encore, ce retour à la rentabilité devrait s'avérer très timide. De l'ordre de quelques maigres points de pourcentage au moins jusqu'en 2013, anticipe le Conference Board.