La Presse donne la parole aux grands dirigeants du Québec. Chaque semaine, un patron répond à cinq questions posées par le chef d'entreprise interviewé la semaine précédente. Et ainsi de suite. Simon Laroche, vice-président ventes de Labatt, répond aujourd'hui aux questions de René Proulx, président-directeur général d'Exceldor.

Quels seront les principaux défis de Labatt et des autres grandes brasseries au cours des cinq prochaines années ?

Le principal défi est aussi la plus grande occasion. Il se passe dans la bière présentement un peu ce qui est arrivé dans l'industrie du vin il y a quelques années. Les gens sont de plus en plus connaisseurs, de plus en plus sophistiqués dans leur choix de bières, ils veulent explorer différents styles. C'est une excellente nouvelle pour notre industrie, mais pour nous qui sommes les plus grands brasseurs au pays, ça signifie aussi beaucoup plus de complexité qu'avant.

La clé du succès, c'est notre portefeuille de produits. La grande majorité du marché est encore réservée à Bud et Bud Light, mais on observe une très grande croissance de nos marques importées, comme Stella Artois ou Goose Island. On fait aussi des expansions au niveau de notre portefeuille et des partenariats avec des microbrasseries locales pour s'assurer d'avoir un plus grand éventail de produits.

Comment Labatt compose-t-elle avec le dilemme d'accroître ses ventes, année après année, alors que la société de manière générale prône une consommation plus raisonnable des boissons alcoolisées ?

On est le leader de l'industrie et on se donne la responsabilité de promouvoir une consommation responsable. Ça aussi, c'est une occasion. On assiste au Québec, comme dans la majorité des marchés développés dans le monde, à une croissance des produits à plus faible teneur en alcool. On a lancé l'an dernier la Budweiser Prohibition, qui est une bière sans alcool. Ç'a été un succès bien au-delà de nos attentes. Il y a une demande des consommateurs, il s'agit juste d'adapter notre offre de produits. On prévoit qu'en 2025, 20 % de nos ventes seront des produits à faible pourcentage d'alcool ou sans alcool.

Les consommateurs recherchent de plus en plus des produits locaux et artisanaux. Comment Labatt se positionne-t-elle par rapport à ces tendances ?

On a développé l'an passé des partenariats avec quatre microbrasseries au Canada : Stanley Park (Colombie-Britannique), Mill Street et Brickworks (Ontario) et Archibald (Québec). On s'assure qu'elles restent indépendantes à 100 % de Labatt pour préserver la créativité, l'innovation, la brasserie et l'équipe de direction. On investit dans leurs équipements pour qu'ils puissent répondre à la demande croissante et on rend notre réseau de distribution disponible. C'est toujours un défi pour une microbrasserie d'être présente dans le plus de points de vente possible. On peut les aider à augmenter l'offre pour rejoindre un maximum de consommateurs. Le modèle marche excessivement bien. Ça leur permet de se concentrer sur ce qu'ils font de mieux : innover et créer de nouvelles bières. Archibald va, par exemple, lancer pour la première fois 2 caisses de 12 bières différentes et inusitées.

Quelle place occupe l'innovation dans votre organisation et quelle a été votre plus grande réussite récemment ?

On voit le fait de repousser les limites de notre industrie comme une responsabilité. Par exemple, on est extrêmement fiers d'une innovation qu'on a faite au Québec l'été dernier. On a investi 24 millions de dollars dans une nouvelle technologie à notre usine de LaSalle pour être capables d'offrir aux Québécois des produits prêts à boire Palm Bay. Cet investissement nous a permis d'offrir un produit qui se distingue de tout ce qui existe dans la compétition en termes de goût et de qualité. Ç'a été le lancement le plus réussi dans notre industrie depuis les 10 dernières années. On continue d'investir à Montréal. Cet été, on aura trois ou quatre nouveaux produits de ce type-là.

La pénurie de la main-d'oeuvre est un enjeu majeur pour les entreprises actuellement. Quelle est la stratégie de Labatt pour y faire face ?

La clé, pour nous, c'est notre présence sur les campus universitaires. On a un programme qu'on appelle Ambassadeurs (on a un ambassadeur sur chacun des campus, que ce soit à l'Université Laval, à McGill, à HEC...) qui nous permet de maintenir des points de contact tout au long de l'année. C'est notre manière de recruter. Plusieurs de nos dirigeants passent du temps sur place, font des présentations et expliquent ce que notre entreprise fait. Ce qui nous différencie un peu, c'est qu'on fait ensuite grandir les individus à même notre entreprise. On est très fiers de se présenter comme une méritocratie où chaque personne commence à la base, mais se fait offrir des occasions en fonction de ses performances, de ses résultats et de son talent. Pour nous, ce n'est pas le nombre d'années qui compte. Cette culture n'est pas pour tout le monde, mais elle offre aux gens que ça intéresse des occasions de se développer plus rapidement que dans la majorité des entreprises.

La semaine prochaine : Michel Robert, PDG du Groupe Robert, répond aux questions de Simon Laroche

LE PARCOURS DE SIMON LAROCHE EN BREF

Âge : 36 ans

Études : Simon Laroche est titulaire d'un baccalauréat en administration des affaires avec spécialisation en finance de HEC Montréal.

En poste depuis : janvier 2015

Nombre d'employés : 3000 au Canada, dont 1300 au Québec

Avant d'être vice-président : Il a été embauché par Labatt après l'université à titre de marchandiseur. Il a ensuite décroché le poste de gérant du territoire, puis de directeur des ventes au Saguenay-Lac-Saint-Jean et à Montréal, avant de devenir directeur général des ventes.