Avec tous les changements des dernières années au Cirque du Soleil, quel est votre secret pour vous assurer que les employés continuent à adhérer à la culture et aux valeurs du Cirque ?

Les gens du Cirque du Soleil carburent à la création de nouveaux spectacles. Tout l'accent de l'entreprise est mis sur la créativité. Sous la gouverne de Jean-François Bouchard, qui est notre grand responsable de la création, on est très gâtés. En l'espace de 12 mois, on a trois nouvelles créations : Avatar, qui a été diffusé au mois de décembre au Centre Bell, une création sous chapiteau qui sera au printemps au Vieux-Port de Montréal et notre premier spectacle sur Broadway au mois de mai prochain à New York. Cette production de nouveaux spectacles est la vraie façon de maintenir les valeurs du Cirque.

Une partie importante de notre ADN est notre engagement social. Avec les nouveaux propriétaires, on a maintenu le cap en étant très engagés dans le quartier Saint-Michel et avec la fondation One Drop, que Guy Laliberté avait créée à l'époque. Grâce à ces initiatives, si vous êtes un employé du Cirque du Soleil, vous sentez qu'il y a un dynamisme nouveau. Si on se promène dans nos bureaux, dans notre centre de création ou dans nos studios, on ne voit pas de changement autre que le fait d'avoir plus de productions en cours.

Le Cirque prévoit plusieurs projets en Chine dans les années à venir. Quels sont les défis particuliers liés à ce marché ?

Notre plus grand défi, c'est de s'appeler « cirque ». En Chine, il y en a beaucoup, on en compte peut-être 10 000. Chaque petite ville ou village a son cirque. Et évidemment, ce sont des cirques traditionnels, souvent avec des animaux. On doit faire comprendre aux consommateurs chinois que ce que nous avons à offrir n'est pas un spectacle de cirque, mais bien un spectacle très différent de ce qu'ils sont habitués de voir. L'autre défi important, c'est de bien comprendre les goûts des consommateurs chinois. C'est pour ça qu'on vient d'ouvrir un bureau à Shanghai, avec une équipe qui connaît le milieu du divertissement en Chine. Avatar sera une bonne porte d'entrée pour nous dans ce marché, étant donné le succès que le film avait connu là-bas. 

Le Cirque est intimement lié à la Fondation One Drop. Qu'est-ce qui vous interpelle personnellement dans cette cause ?

On a la chance de voyager dans 350 villes à travers le monde et on voit de plus en plus que la problématique de l'eau est devenue un problème mondial. Même dans une grande ville comme Las Vegas, c'est une préoccupation. Imaginez, dans les pays émergents, comment la cause est problématique. C'est probablement l'un des plus graves problèmes dans le monde présentement. Dans plusieurs pays, les gens n'ont pas d'eau potable. C'est particulier pour nous, parce que nous sommes peut-être une des sociétés qui gaspillent le plus d'eau. Quand on voyage et qu'on comprend la problématique, on ne peut pas être insensible à ce fléau qui continuera de s'accentuer au cours des années.

Quel serait votre rêve le plus fou pour le Cirque du Soleil ?

Ce serait de faire de Montréal l'endroit où tous les créateurs du monde veulent venir vivre. Je pense que d'être des inventeurs est dans l'ADN du Cirque, mais aussi de Montréal. J'aimerais que ça devienne la réputation de notre ville. C'est pour ça que je me suis engagé dans C2MTL, parce que c'est une façon de faire connaître cet aspect.

Un autre rêve fou que j'ai, c'est de créer un nouveau genre de spectacle. On a créé une cellule qui s'appelle C:LAB pour cette raison. On a réinventé il y a 30 ans les arts du cirque, j'aimerais maintenant créer une forme de spectacle innovateur. En voyant toutes les nouvelles technologies, la réalité virtuelle, la 3D, il est clair qu'il y aura un nouveau genre de spectacle qui se développera.

Comment maintenir un équilibre entre les affaires et les valeurs du Cirque du Soleil ?

Je pense que nos valeurs sont protégées par la nécessité de créer. On a beau aligner tous les chiffres qu'on veut, si notre prochain spectacle n'est pas exceptionnel, on n'aura pas d'affaires. Dans notre domaine, si on veut une entreprise qui réussit sur le plan des affaires, on doit d'abord réussir sur le plan de la création. C'est l'âme du Cirque du Soleil. Les nouveaux propriétaires le comprennent aussi bien que Guy le comprenait.

À lire la semaine prochaine : Lino Saputo Jr, président de Saputo, répond aux questions de Daniel Lamarre.

LE PARCOURS DE DANIEL LAMARRE EN BREF

Âge : 62 ans

Études : Daniel Lamarre est titulaire d'un baccalauréat en communications de l'Université d'Ottawa.

PDG depuis : janvier 2001

Nombre d'employés : 5000, dont 1200 à Montréal

Avant d'être à la tête du Cirque : Il a commencé sa carrière comme journaliste, avant de travailler en communications et en relations publiques, notamment chez National et comme PDG de Burson-Marsteller. Il a également été PDG du Groupe TVA.