Les neuf membres de la Shed architecture redessinent les frontières du travail d'équipe. Constamment réunis autour du même espace de travail, ils se consultent, se relancent et s'influencent avec un seul but : laisser parler les meilleures idées.

Avant de fonder leur entreprise, Sébastien Parent, Renée Mailhot et Yannick Laurin ont travaillé pour des firmes traditionnelles qui ne leur ressemblaient pas. « On travaillait dans des cubicules comme des fonctionnaires, tout seuls devant nos ordinateurs, se rappelle M. Parent. On pouvait travailler trois jours sur une mauvaise idée avant de se le faire dire. La dynamique était tellement plate que je cognais des clous en après-midi. »

En 2010, le trio a créé un environnement où règnent la consultation et la stimulation. « Ici, c'est impossible de s'endormir ! On se retrouve souvent autour d'un ordinateur, on produit plein d'esquisses et on écoute l'avis de tous pour trouver un consensus. Évidemment, on ne se consulte pas pour chaque détail, comme le choix d'une poignée de porte, mais on approuve en groupe ce qui a été fait par quelques personnes à chaque étape. Donc, quand une idée n'est pas bonne, elle débarque après une heure », affirme Sébastien Parent.

Une méthode qui recèle plusieurs avantages, selon Anne Cormier, directrice de l'École d'architecture de l'Université de Montréal. « Dans notre milieu, il n'y a jamais qu'une seule solution. Les échanges au sujet d'un projet constituent très souvent un facteur important pour étudier les différents potentiels et approfondir la réflexion. En plus, leur méthode favorise l'appropriation collective du projet. »

Sébastien Parent confirme que tous les mandats sont communs et que la hiérarchie n'existe pratiquement pas. « Renée, Yannick et moi prenons les décisions sur les investissements et le choix des projets, mais aucun de nous ne dirige les autres. On sélectionne les meilleures idées, point. Des fois, c'est difficile pour l'ego, mais on choisit ce qu'il y a de mieux pour nos clients. »

Toutefois, le processus décisionnel soulève quelques interrogations chez Anne Cormier. « S'il faut se rendre collectivement à une évidence à travers l'exploration, cela peut prendre du temps, dit-elle. Plus le nombre d'employés impliqués est grand, plus on risque d'étirer chaque phase du projet et de faire exploser l'enveloppe budgétaire allouée à la conception. Ce serait impensable d'implanter cette méthode dans une grosse firme d'architecture. »

Sébastien Parent est d'accord pour dire que leurs procédés seraient difficilement transposables dans une firme avec beaucoup d'employés. Il croit cependant que leur modus operandi profite d'un élément non négligeable : l'amitié qui les unit. « On dîne ensemble à l'extérieur du bureau tous les jours et on sort parfois le soir et la fin de semaine », souligne-t-il.

L'architecte de 31 ans ajoute qu'ils préfèrent engager des amis et des gens qui cadrent avec leur philosophie. « Lors du processus d'embauche, on s'attarde plus longtemps à leur personnalité qu'à leurs aptitudes en design, ce qui est très facile à voir. On a déjà rencontré des gens dans la cinquantaine, qui auraient pu nous apporter quelque chose de nouveau. Mais on se voyait mal collaborer avec eux quand on travaille jusqu'à minuit et qu'on devient un peu fous. On a tous entre 24 et 36 ans. »

Y a-t-il un risque que les bienfaits de l'émulation s'amenuisent à force de travailler avec des gens qui leur ressemblent ? « Oui et non, répond-il. Avec le temps, on a développé une signature esthétique très particulière. On a une vision commune et on connaît nos limites. Mais on ne veut jamais tomber dans la facilité ou faire du copier-coller d'un projet à l'autre. Si on présente du réchauffé, on va se le dire. »