Chaque semaine, près d'un demi-million de Canadiens s'absentent du travail en raison d'un problème de santé mentale, d'après la Commission de la santé mentale du Canada. Cela ampute l'économie du pays de 51 milliards chaque année. Les employeurs peuvent faciliter le rétablissement de leurs employés et leur retour. Pour les outiller, Louise St-Arnaud et Mariève Pelletier, de la Chaire de recherche du Canada sur l'intégration professionnelle et l'environnement psychosocial du travail, ont rédigé le guide Soutenir le retour au travail et favoriser le maintien en emploi à la suite d'une grande étude financée par l'Institut Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail.

Marie (le prénom a été changé) s'est absentée de son travail plusieurs mois pour épuisement professionnel. Alors qu'elle était sur le point de revenir, le patron de l'organisation s'est inquiété parce qu'il savait que Marie était en conflit avec son supérieur immédiat. Avant son départ, il avait aussi remarqué qu'elle était moins investie dans son travail. Il craignait un retour rapide à l'ancienne dynamique. Mal à l'aise de décortiquer la situation avec Marie, il a fait appel à Evelyn Kedl, consultante en soutien au rétablissement et au retour au travail.

«Marie se sentait effectivement plafonner», raconte Evelyn Kedl, qui a participé au projet de Louise St-Arnaud et Mariève Pelletier pour évaluer sur le terrain la démarche présentée dans le guide.

Avec l'accord de Marie, la consultante a discuté avec le patron de la possibilité de réaffecter Marie à un poste plus près de ses intérêts et de ses compétences.

«Ce fut possible et le retour s'est bien passé», raconte Evelyn Kedl.

«Si l'employée revient en poste après une absence pour un problème de santé mentale et qu'on ne tient pas compte des difficultés qu'elle vivait au travail, les risques de rechute sont plus importants», explique Mariève Pelletier, doctorante en sciences de l'orientation à l'Université Laval.

La démarche proposée dans le guide nécessite de trouver d'abord une personne neutre dans la hiérarchie, douée en communication et en résolution de conflits, pour devenir la responsable. Ensuite, sept étapes à suivre sont proposées dès qu'un employé s'absente plus de cinq jours.

1- Amorcer la démarche dès les premières procédures administratives.

«On conseille au responsable d'envoyer tout de suite une lettre à l'employé en arrêt de travail pour lui donner de l'information sur la démarche et ses objectifs, puis pour l'avertir qu'on l'appellera pour l'inviter à y participer», explique Mariève Pelletier, qui a donné une conférence sur la démarche lors d'un congrès international, en juin à Québec, organisé entre autres par l'Ordre des conseillers et conseillères d'orientation.

2- Établir le premier contact avec le travailleur.

Le responsable téléphone au travailleur pour discuter de la démarche et, s'il est d'accord, fixer une première rencontre en respectant son processus de rétablissement.

«Quant à savoir si le supérieur immédiat doit aussi téléphoner à la personne en arrêt de travail, ça dépend de chaque cas et l'idéal est que le responsable demande à l'employé ce qu'il préfère», affirme Mme Pelletier.

3- Accompagner le travailleur dans son rétablissement.

Le responsable rencontre le travailleur dans un lieu neutre.

«L'objectif est de susciter une discussion sur le travail, d'amener la personne à parler de ce qu'elle perçoit comme facteurs ayant mené à l'arrêt de travail et de ce qui faciliterait son retour», indique Mariève Pelletier.

Le responsable doit faire un suivi régulier, à un intervalle convenu avec le travailleur, jusqu'à son retour. Cela doit être perçu par la personne comme du soutien et non comme une pression pour revenir au travail.

4- Préparer la rencontre avec le supérieur immédiat.

Lorsqu'une date de retour au travail est établie, l'employé doit prévoir les sujets à aborder avec son supérieur. Le responsable l'aidera dans ce travail de synthèse, puis fixera le rendez-vous.

5- Élaborer un plan de retour au travail.

On le fait lors de la rencontre entre le travailleur et son supérieur, en présence du responsable. L'objectif est de faciliter le retour dans des conditions favorisant le maintien en emploi en se basant sur les besoins du travailleur et les capacités de l'organisation.

«Plusieurs pistes de solution peuvent être mises de l'avant, comme clarifier les responsabilités des équipes, réaménager des horaires, envisager un retour progressif, la médiation ou une réaffectation», énumère Mme Pelletier.

6- Faciliter le retour au travail et mettre en oeuvre le plan.

Il faut respecter les modalités de retour prévues dans le plan même si les exigences du quotidien peuvent rapidement les faire tomber dans l'oubli.

«L'accueil et le soutien des collègues sont cruciaux», affirme Mariève Pelletier.

7- Assurer le suivi et effectuer les ajustements nécessaires.

Une à trois semaines après le retour, le responsable téléphone au travailleur et au supérieur immédiat pour savoir si le plan est respecté et si des ajustements sont nécessaires. Le supérieur est aussi invité à réfléchir aux dimensions du travail qui pourraient nuire ou être favorables à la santé psychologique d'autres travailleurs.

«Passer de l'approche individuelle de réadaptation à une approche organisationnelle de prévention pourrait permettre d'éviter d'autres absences», affirme Mariève Pelletier.

Pour télécharger le guide: https://bit.ly/Wc8B4U