D'un côté, des entreprises qui cherchent des travailleurs. De l'autre, des chômeurs qui cherchent des emplois. Et un fossé entre ces deux groupes qui ne cesse de s'élargir...

Deux études publiées coup sur coup cette semaine viennent mettre le doigt sur un problème d'une cruelle ironie au Canada: au moment où les pénuries de travailleurs qualifiés trônent au premier rang des inquiétudes des entreprises, des centaines de milliers de personnes sont sans travail depuis plus de six mois.

Cet écart entre les besoins des entreprises et les qualifications de la main-d'oeuvre se creuse à tel point qu'il inquiète maintenant les économistes.

«Ce n'est plus simplement le problème d'un individu qui peine à trouver un emploi ou celui d'une entreprise qui peine à embaucher. C'est maintenant un problème macro-économique qui menace l'ensemble de l'économie canadienne», dit Benjamin Tal, économiste en chef adjoint de CIBC.

Hier, le fournisseur de solutions de recrutement Workopolis a dévoilé un sondage selon lequel le plus important défi des entreprises canadiennes en 2013 n'est pas le contexte économique difficile, comme on aurait pu le croire, mais bien la pénurie de travailleurs qualifiés.

Le tiers des dirigeants d'entreprises interrogés dit vouloir embaucher l'an prochain, comparativement à seulement 2% qui prévoient des réductions de personnel. Mais 60% d'entre eux estiment que le recrutement est si difficile qu'il nuit à leurs autres activités. «Chez Workopolis, on le vit tous les jours. Les employeurs ont d'énormes problèmes à recruter», commente Sylvie Doré, directrice de Workopolis pour le Québec.

Pendant que les entreprises cherchent des employés, les chômeurs, eux, cherchent des emplois. À un peu plus de 7%, le taux de chômage n'est pas alarmant, mais il cache un grand nombre de gens qui croupissent sur les lignes de côté depuis très longtemps, note la CIBC. Rien de moins que 250 000 Canadiens sont actuellement au chômage depuis plus de six mois.

CIBC montre cependant que le double problème de pénurie et de chômage est surtout propre à l'Ouest canadien. Le ratio «emplois vacants sur taux de chômage» est en effet environ cinq fois plus élevé en Alberta qu'au Québec.

Des pistes de solutions

Comment combler ce fossé entre les besoins des entreprises et les travailleurs? CIBC salue la décision du gouvernement fédéral d'accueillir entre 53 000 et 55 000 nouveaux immigrants qualifiés, mais estime que ce n'est «simplement pas suffisant pour renverser la tendance».

Une partie du problème vient évidemment du fait que les emplois en demande (mineurs, ingénieurs, spécialistes de la santé) ne correspondent pas au profil des chômeurs, qui ont souvent des expériences de caissiers ou de machinistes, par exemple.

Workopolis estime néanmoins qu'employeurs et travailleurs devront se rapprocher. Le groupe des 15 à 24 ans, qui affiche un taux de chômage de 14%, représente un bassin d'employés prometteurs pour les entreprises, croit Sylvie Doré.

«On voit des entreprises qui demandent 10 ans d'expérience en nouvelles technologies, dit-elle. Elles devront assouplir leurs critères et faire confiance aux jeunes.»

Selon elle, les employeurs devront aussi séduire les candidats en leur faisant miroiter ce qui compte pour eux, notamment l'environnement de travail. Ceux-ci devront de leur côté revoir leurs attentes salariales et songer à se tourner vers le bénévolat pour acquérir de l'expérience et des compétences qui plairont aux employeurs.

Des postes vacants

- Gestionnaires en génie, architecture, santé et éducation

- Vérificateurs et comptables

- Ingénieurs

- Médecins, dentistes et vétérinaires

- Infirmiers

- Mineurs

- Pharmaciens

Des secteurs saturés

- Caissiers

- Bouchers, boulangers, tailleurs, cordonniers, bijoutiers

- Professeurs de primaire et secondaire

- Opérateurs de machinerie dans l'industrie forestière et des métaux

- Commis en finance et assurance

Source : CIBC