Que fait un boutefeu? À quoi ressemble le quotidien d'un animalier ou d'un détective privé? Pour le savoir, La Presse les a rencontrés pour vous. Regard sur des métiers inusités, rares ou méconnus.

Pour dépoussiérer l'image du travail muséal, rien de mieux qu'une rencontre avec Mark Lanctôt. Conservateur au Musée d'art contemporain de Montréal (MACM), il parle avec passion de son travail, de l'art et des artistes. Regard sur le gardien des collections.

Après des études en histoire de l'art, Mark Lanctôt voulait rester loin du cercle académique. «J'ai commencé ma carrière comme conservateur indépendant. Par contre, j'étais jeune, sans moyens et tout juste sorti de l'école, alors faire ma place était presque impossible», raconte-t-il.

Il a ensuite travaillé dans une galerie d'art, avant d'être directeur de l'Association des galeries d'art contemporain. C'est en 2006 qu'il s'est joint au Musée d'art contemporain.

Accoudé sur son bureau qui croule sous les livres d'art, le conservateur explique que ce musée montréalais lui convient parfaitement. «J'aime beaucoup. Ça me donne l'occasion de travailler avec des artistes de leur vivant, comparativement aux conservateurs qui se spécialisent en art de la Renaissance, par exemple.»

Tâche titanesque

Pour qu'une exposition voie le jour, le jeune conservateur (il est né en 1974) propose une idée ou accepte une assignation de la conservatrice en chef. «Une fois le sujet arrêté, je rencontre l'artiste pour discuter et choisir l'angle et les oeuvres qui toucheront, idéalement, les visiteurs.»

Son travail est toutefois loin de se terminer là! Il doit commander la recherche sur l'artiste à la médiathèque du musée et rédiger le catalogue, ainsi que les descriptions qui se trouveront plus tard liées aux tableaux. Il doit également rapatrier des oeuvres éparpillées un peu partout dans le monde - ce qui l'amène à voyager - et faire restaurer celles qui sont abîmées.

En collaboration avec l'artiste - et avec l'aide du logiciel Google SketchOut -, il détermine où les oeuvres seront installées. Vient ensuite le montage. «Ne reste que la conférence de presse, la visite guidée, le démontage et la préparation pour la tournée si l'exposition se déplace dans d'autres villes après.»

Ouf. Une exposition est un travail colossal, qui s'étend en moyenne de une à trois années. «L'expo de Pierre Dorion, qui est à l'affiche en ce moment au MACM, je la traîne depuis deux ans dans mes cartons», fait valoir Mark Lanctôt.

Esprit critique demandé

On l'aura compris, un bon conservateur de musée a de la patience à revendre. En art contemporain, il faut aussi être à l'affût de l'actualité si on veut lier l'artiste à son époque et savoir quels artistes sont exposés où, et pour quelles raisons.

«Le conservateur doit faire un peu le même travail qu'un analyste politique, selon moi. Il faut aiguiser notre sens critique afin de décortiquer les oeuvres d'un artiste et comprendre le message qu'il y a derrière», soutient M. Lanctôt.

»Ses» artistes

Interrogé sur ses artistes fétiches, le conservateur hésite avant de répondre. «Ça change trop! C'est comme me demander ce qui tourne dans mon iPod. Par contre, certaines expositions m'ont rendu fier. Marcel Dzama en fait partie, la Triennale aussi», dit-il.

«De toute façon, on ne réalise pas une exposition uniquement parce qu'on aime l'artiste. Un ancien conservateur en chef nous questionnait d'ailleurs toujours quand on proposait un sujet pour être certain qu'on ne voulait pas l'exposer seulement par goût personnel», ajoute-t-il.

«Mon travail, c'est d'apporter une perspective inédite sur l'oeuvre d'un artiste, dans le but de comprendre son apport à l'art ou à la société.» Un défi à la hauteur de Mark Lanctôt, assurément.