L'Association des pharmaciens-propriétaires d'établissements Jean Coutu accuse son franchiseur de s'approprier tous les rabais et ristournes accordés par les fournisseurs (autre que les fournisseurs de médicaments génériques) à son seul profit, tout en obligeant les franchisé à s'approvisionner quasi exclusivement auprès de lui à des coûts non concurrentiels.

Il s'agit d'un autre des éléments soulevés par le litige qui oppose le Groupe Jean Coutu à ses franchisés.

La demande de recours collectif déposée vendredi fait notamment valoir que plusieurs des produits que les franchisés sont tenus d'offrir leur sont vendus par Jean Coutu à un prix coûtant supérieur au prix de détail dont ils pourraient bénéficier chez Coscto s'ils pouvaient s'y approvisionner.

Pour certains produits, comme le déodorisant Dove Go Fresh, l'écart de prix frôle les 40 %.

Appelée à commenter, la porte-parole de Jean Coutu, Hélène Bisson, fait remarquer que la liste se trouvant dans la procédure déposée par Sopropharm est très restreinte. « Nous avons plus de 20 000 produits sur nos tablettes. »

D'autres dispositions de la convention de franchise provoquent également la grogne, en particulier les sommes facturées pour des services additionnels tels l'assistance technique, la publicité locale et les services de gestion de la paie.

Ces sommes facturées aux membres du groupe pour les services additionnels et les frais de grossiste que leur réclame Jean Coutu en sus des redevances peuvent s'élever à plus de 1 million de dollars par an par établissement franchisé, peut-on lire dans la requête.

AGITATION EN BOURSE

Après un week-end de réflexion sur la demande d'autorisation de recours contre Jean Coutu par un groupe de franchisés, les investisseurs ont fait reculer de 4 % l'action du pharmacien québécois hier.

Ce recul s'ajoute au repli de 1 % enregistré au cours de la séance précédente, après que l'action collective des franchisés a été dévoilée en après-midi vendredi.

L'incertitude entourant les conséquences potentielles de cette démarche semble alimenter la nervosité de certains investisseurs.

« Les chances de réussite de cette requête sont faibles », estime l'analyste Peter Sklar, de la BMO.

Sopropharm, l'association des pharmaciens-propriétaires qui regroupe 284 membres au Québec représentant 306 établissements franchisés du réseau de Jean Coutu, souhaite recouvrer 252 millions qui auraient été versés en trop au siège social de Jean Coutu depuis 2013.

Au total, le réseau de pharmacies de Jean Coutu compte 417 établissements.

Pour appuyer son dire, Sopropharm a mandaté la firme Raymond Chabot Grant Thornton pour produire un rapport qui démontrerait que les redevances versées par les pharmaciens-propriétaires Jean Coutu dépassent la valeur des services reçus en contrepartie.

« Je soupçonne que Jean Coutu pourrait à son tour faire produire un rapport crédible qui déboucherait sur une conclusion opposée. De plus, le taux de redevances exigé par Jean Coutu est faible comparativement à celui imposé par d'autres franchiseurs au pays. » - Peter Sklar

Cet analyste soutient cependant que la requête soulève néanmoins deux points négatifs. « Premièrement, le litige expose la relation tendue de Jean Coutu avec ses franchisés. La situation pourrait également refléter les craintes grandissantes des franchisés entourant l'impact financier de la réforme des médicaments au Québec. »

Son collègue Michael Van Aelst, de la Banque TD, évalue les redevances à 3,4 % des ventes totales de toutes les pharmacies, avant le soutien offert aux franchisés les plus faibles. Selon sa compréhension du dossier, Sopropharm semble soutenir qu'un taux d'environ 1,8 % serait plus juste.

« Bien que je ne puisse prédire la décision de la cour, le pire scénario serait un verdict en faveur des franchisés qui ordonnerait à Jean Coutu de verser 252 millions et d'abaisser le taux de redevances d'environ 73 millions par an, l'équivalent de 30 cents par action d'ici l'exercice financier 2019. »

La requête de 67 pages datée de vendredi dernier a été déposée par l'association de pharmaciens-propriétaires Sopropharm. Son président Jacques Bourget agit comme personne désignée pour l'exercice de l'action en instance.

Résidant de Blainville, Jacques Bourget est lui-même actionnaire et administrateur ou associé de trois pharmacies Jean Coutu qui sont toutes situées sur le boulevard de la Concorde, à Laval.

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