Après des années d'expansion, le grand quincailler québécois Rona (T.RON) a sérieusement besoin d'un grand ménage afin de rehausser sa performance d'affaires et de redresser sa valeur d'entreprise en Bourse.

D'où l'ampleur des mesures de restructuration annoncées hier, en marge de ses résultats de fin d'exercice 2012 qui étaient encore décevants.

Dès les prochains mois, Rona éliminera au moins 200 postes dans ses quatre centres administratifs du Canada, ce qui représente 15% de leur effectif total.

Et c'est au siège social de Boucherville, en banlieue sud de Montréal, que cette coupe de postes risque de se faire le plus sentir, a admis Dominique Boies, chef de la direction par intérim et chef financier chez Rona, en entrevue avec La Presse Affaires.

Entre-temps, Rona effectuera une sérieuse remise en question de certaines activités d'expansion hors du Québec, et dont le rendement laisse trop à désirer.

Dans la balance: les activités de distribution aux professionnels du bâtiment dans l'Ouest canadien, dont la rentabilité est insatisfaisante malgré des revenus de l'ordre de 450 millions par an.

Aussi dans la balance: le maintien ou non des 30 grands magasins Rona situés hors Québec.

Un premier lot de cinq grands magasins en Ontario ont été fermés l'an dernier. Pour les autres, Rona décidera «d'ici un ou deux trimestres» s'il les rapetisse, les revend ou les ferme carrément, avec les coûts que ça implique.

Au Québec, les grands magasins Réno-Dépôt seront aussi sous la loupe. Mais de manière moins draconienne que ce qui est prévu en Ontario et dans l'Ouest, a expliqué M. Boies.

«Nos grands magasins au Québec sont parmi nos activités qui génèrent le meilleur rendement sur le capital investi. Toutefois, nous voulons rétablir la distinction entre nos deux bannières (Rona l'entrepôt, Réno-Dépôt) en recentrant les Réno-Dépôt vers leur marché cible des professionnels et des grands rénovateurs, comme ils le faisaient il y a cinq ou six ans».

Cette révision commerciale s'effectuera surtout par l'émondage de certaines gammes de produits.

«La clientèle cible des Réno-Dépôt ne recherche pas une très grande variété de produits en magasin, mais plutôt de bonnes quantités des produits importants dans chaque catégorie», selon Dominique Boies.

Rona veut aussi rationaliser ses gammes d'articles de marques privées, en particulier dans les outils spécialisés. «Ces articles sont censés être plus rentables pour Rona. Or, ce n'est pas le cas dans les catégories où il y a déjà de grandes marques bien établies», a-t-il admis.

Cette révision des gammes de produits touchera aussi celles qui sont offertes aux détaillants locaux qui sont les clients de la plus grande division de Rona: distributeur et grossiste en quincaillerie.

«Nous voulons recentrer cette offre sur ce qui fait le plus de différence du point de vue des consommateurs, en plus des prix. Ça passe par un meilleur choix de quelques bons produits par catégorie plutôt que d'offrir trop de choix dans chaque catégorie, ce qui confond les consommateurs», a indiqué M. Boies.

En attendant des résultats concrets, ces mesures de rationalisation chez Rona lui coûteront encore cher: au moins 25 millions au cours des prochains mois, en plus des 115 millions enregistrés depuis deux ans.

Mais selon les dirigeants de Rona, il s'agit d'un passage obligé vers leur objectif de rehausser le bénéfice d'exploitation annuel (BAIIA) de 35 à 45 millions d'ici deux ans. Ça représente un gain substantiel de 25 % par rapport au BAIIA de 162 millions déclaré hier pour l'exercice 2012, et qui était déjà en recul de 32 % par rapport à l'année précédente.

Qui plus est, cette baisse de rentabilité d'exploitation s'est produite en dépit d'une légère progression (+1,7 %) des revenus annuels à 4,88 milliards. Durant le seul quatrième trimestre, le bénéfice d'exploitation de Rona a reculé de 37 % malgré une croissance meilleure que prévu (2,2 %) des revenus totaux.

En Bourse, les investisseurs ont encore manifesté leur déception envers l'ampleur des défis chez Rona. Ils ont laissé choir ses actions de 3,8 % à 11,60 $. Cette cote demeure supérieure de 24% à son niveau d'il y a un an, mais encore inférieure de 26 % à celui d'il y a deux ans.