Le titre d'Alimentation Couche-Tard (T.ATD.B) a grimpé à plus de 40 $ durant la séance de mercredi après que l'entreprise ait annoncé qu'elle faisait son entrée sur le marché européen en proposant d'acquérir la chaîne norvégienne de stations-service Statoil Fuel & Retail pour 2,7 milliards de dollars.

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«C'est un jour très important pour Couche-Tard. Nous cherchions à réaliser une acquisition en Europe depuis cinq ans. Nous avons eu des discussions avec plusieurs entreprises et finalement, Statoil a été la bonne», a déclaré mercredi le grand patron de l'entreprise lavalloise, Alain Bouchard, en conférence de presse à Oslo.

Les investisseurs ont célébré la transaction. L'action de Couche-Tard a clôturé en hausse de 15,5 pour cent à 39,60 $, à la Bourse de Toronto, ce qui confère à l'entreprise une valeur de 7,1 milliards $. En cours de séance, le titre a atteint 40,38 $, un nouveau sommet historique.

Couche-Tard souhaite que cette transaction soit la première d'une série d'acquisitions en Europe dans le contexte où les pétrolières cherchent à se départir de leurs réseaux de stations-service. Si l'expansion européenne se poursuit, elle se fera à partir d'Oslo, s'est réjoui le pdg de SFR, Jacob Schram.

«SFR n'était pas l'entreprise la mieux positionnée pour acheter des actifs de Shell, BP ou Esso puisqu'elle était perçue comme faisant partie (du géant pétrolier) Statoil. Maintenant que SFR passe chez Couche-Tard, qui n'est actif que dans le commerce de détail, les grandes pétrolières vont commencer à nous parler de leurs projets de cession en Europe», a expliqué M. Bouchard.

Le détaillant québécois offre 53 couronnes norvégiennes (environ 9,09 $) pour chacune des actions de Statoil Fuel & Retail, soit une prime de 52,5 pour cent par rapport au cours de clôture de l'entreprise à la Bourse d'Oslo, mardi. En incluant la dette de SFR, la valeur de la transaction atteint 3,6 milliards $.

L'analyste Irene Nattel, de RBC Marchés des capitaux, a qualifié de «très raisonnable» le coût d'acquisition, qui représente environ 6,8 fois le bénéfice d'exploitation que projette réaliser SFR en 2011.

Un an et demi après l'échec de son offre d'achat hostile pour la chaîne américaine Casey's, Couche-Tard a donc opté pour la voie amicale. Le conseil d'administration de SFR recommande en effet aux actionnaires de l'entreprise d'accepter l'offre de Couche-Tard.

Statoil Fuel & Retail est une ancienne filiale de Statoil, qui est contrôlé par le gouvernement norvégien. Le détaillant a fait son entrée en Bourse en octobre 2010 au prix de 39 couronnes par action. Son principal actionnaire demeure Statoil, qui détient une participation de 54 pour cent et qui appuie l'offre de Couche-Tard.

Statoil Fuel & Retail exploite environ 2300 stations-service, dont 68 pour cent lui appartiennent directement, et emploie quelque 18 500 personnes. En 2011, ses ventes ont totalisé 12,7 milliards $ alors que son bénéfice d'exploitation ajusté a atteint 521 millions $.

SFR occupe le premier rang dans son secteur en Norvège, en Suède, au Danemark, en Lettonie et en Estonie avec des parts de marché supérieures à 30 pour cent. L'entreprise possède également des stations-service en Lituanie, en Pologne et en Russie.

Les hauts dirigeants de Couche-Tard disent avoir visité plus de 200 stations-service et autres établissements de SFR au cours des derniers mois pour s'assurer qu'ils sont bien situés et en bonne condition.

Syndicats

Fait à noter, Couche-Tard, qui réagit mal à la campagne de syndicalisation que mène actuellement la CSN dans certains de ses dépanneurs québécois, acquiert une entreprise largement syndiquée, comme cela est généralement le cas en Scandinavie. Un syndicaliste, Ketil Johannessen, siège même au conseil d'administration de SFR.

Alain Bouchard a confié mercredi avoir rencontré huit représentants syndicaux de SFR et s'est dit satisfait de la réunion.

«Nous avons mutuellement conclu que nous allions nous entendre pour être en désaccord sur certaines questions, mais nous sommes ouverts d'esprit», a-t-il affirmé, en précisant qu'à ses yeux, les employés étaient plus importants que les syndicats.

Fidèle à son modèle d'affaires décentralisé, Couche-Tard entend exploiter SFR comme une entité à part. Les deux entreprises entendent toutefois partager leurs «meilleures pratiques», M. Bouchard allant jusqu'à lancer l'idée de vendre des aliments scandinaves dans les dépanneurs québécois.

Le dirigeant n'a pas exclu la possibilité d'effectuer des licenciements au sein de l'entreprise qui sera acquise. Le fait que le siège social de Couche-Tard compte moins de 20 employés, soit bien moins que celui de SFR, «pourrait être effrayant» pour le personnel de l'entreprise norvégienne, a-t-il convenu.

Si la transaction se concrétise, Couche-Tard exploitera plus de 8400 dépanneurs et stations-services. Son chiffre d'affaires dépassera les 34 milliards $ US. Le japonais 7-Eleven demeure le numéro un mondial avec plus de 39 000 magasins, mais la plupart de ceux-ci sont des franchises.

SFR a connu une année 2011 difficile en raison d'une guerre de prix sur le carburant qui a sévi en Europe centrale. L'autre défi de Couche-Tard sera d'accroître les ventes de marchandises de SFR, qui ne procurent à celle-ci que la moitié de ses profits, le reste provenant de l'essence. Chez Couche-Tard, les trois quarts des bénéfices sont issus des marchandises.

En plus de son réseau de stations-service, Statoil Fuel & Retail vend du carburant marin, du carburant d'avion, des lubrifiants et des produits chimiques. L'entreprise exploite 12 terminaux, environ 400 camions citernes et 50 dépôts dans huit pays européens. SFR livre également du carburant à 85 aéroports dans 10 pays en plus de fabriquer et de vendre 750 produits lubrifiants différents. Pour l'instant, Couche-Tard n'a pas l'intention de céder ces activités.

Couche-Tard prévoit que la transaction sera conclue en juin prochain. Les autorités réglementaires du Danemark, de la Pologne et de la Russie devront l'approuver, ainsi que 90 pour cent des actionnaires de SFR.

L'entreprise prévoit utiliser ses facilités de crédit existantes ainsi qu'une nouvelle facilité de crédit de 3,2 milliards $ US d'une durée de trois ans pour financer l'acquisition. La Banque Nationale [[|ticker sym='T.NA'|]], UBS, Rabobank, la Banque Scotia [[|ticker sym='T.BNS'|]] et la Banque de Tokyo-Mitsubishi participent au montage financier.