Craignant que son pouvoir d'achat ne perde des plumes face à la montée en puissance de grands joueurs internationaux, la Société des alcools du Québec (SAQ) veut étendre ses tentacules à l'extérieur du Québec.

La société d'État vient de mettre sur pied une équipe qui offre ses services de grossiste à des entreprises privées ou gouvernementales du reste de l'Amérique du Nord.

Il y a deux semaines, un premier contrat a été conclu avec la compagnie albertaine Willow Park, le plus important détaillant privé de vins et spiritueux au Canada. En vertu de l'entente, la SAQ achètera pour Willow Park les Bordeaux primeurs 2009.

Il s'agit d'un contrat d'à peine quelques milliers de dollars, mais «je préfère qu'on apprenne à marcher avant de courir», a insisté mardi le président et chef de la direction du monopole d'État, Philippe Duval, à l'issue d'un discours prononcé à la tribune de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

«C'est un commerce complètement différent de ce qu'on fait actuellement», a-t-il convenu.

La SAQ est actuellement en pourparlers avec une dizaine de clients potentiels intéressés par ses services de grossiste, tant au Canada qu'aux États-Unis. Elle vise une marge bénéficiaire oscillant entre 10 et 30 pour cent, soit la norme de ce créneau de marché.

Vive concurrence

Selon M. Duval, ce virage important est devenu essentiel vu les bouleversements qui secouent le marché mondial du vin. «D'intervenant important, la SAQ pourrait glisser au rang des joueurs moyens ou encore des petits joueurs au cours des prochaines années si elle ne pose pas certains gestes-clés», a-t-il affirmé.

La concurrence venant de grands groupes comme le britannique Tesco, le français Carrefour et l'américain Costco, de même que des joueurs de pays émergents comme la Chine, la Russie et le Brésil, fait en sorte qu'il est de plus en plus difficile de mettre la main sur des produits recherchés, a souligné Philippe Duval.

«Nous devons nous battre pour obtenir des allocations de Pétrus, tout comme nous devons nous battre pour obtenir des vins populaires beaucoup moins dispendieux, mais issus de petites productions», a-t-il déclaré.

«Présentement, 1000 produits issus de notre portefeuille sont relativement faciles à obtenir, a ajouté le grand patron. Les 9000 autres, formés de petits lots, sont au coeur de plusieurs batailles d'acheteurs.»

C'est sans compter que les grandes chaînes n'hésitent pas à proposer aux producteurs des partenariats promotionnels qui raréfient les «dollars marketing» offerts aux autres acheteurs, dont la SAQ.

«Les dollars qui partent en direction de chez Tesco à Londres ne sont plus disponibles pour nous», a illustré M. Duval.

Marché mature

La SAQ doit donc mieux faire connaître son «potentiel d'acheteur et de grossiste», puisque c'est uniquement en offrant ce genre de services à d'autres qu'elle réussira à «protéger», et peut-être accroître, son pouvoir d'achat, a-t-il résumé.

«On va arriver dans un marché mature et si on veut continuer à servir ce marché mature, il faut nécessairement qu'on augmente notre pouvoir d'achat.»

Si celui-ci devait diminuer, la SAQ risquerait de payer plus cher pour ses produits, ce qui se traduirait par une augmentation des prix au détail.

«On a une marge (bénéficiaire) qui est dans la structure même de la SAQ, qui a été décidée il y a 25 ou 30 ans, donc ça, ce n'est pas à nous à remettre ça en question, a indiqué Philippe Duval. Mais ce qu'on sait, c'est qu'à plus long terme, si notre pouvoir d'achat ne continue pas de croître, eh bien c'est clair que si j'achète une télévision plutôt que 50, je vais payer plus cher.»

Il faudra voir si la démarche rassurera les consommateurs québécois qui trouvent déjà trop élevés les prix de détail de la SAQ, surtout lorsqu'on les compare avec ceux de la LCBO, en Ontario.

M. Duval a soutenu mardi que les prix des vins et spiritueux avaient moins crû à la SAQ qu'à la LCBO au cours des dernières années et que c'est au Québec que «le panier d'alcool est encore le moins cher au Canada».