Parmi les nombres étonnants lancés à la table des négociations de l'ALENA - 2 milliards $ de commerce chaque jour, 18 millions d'autos fabriquées annuellement, des centaines de milliers d'emplois aux États-Unis - un chiffre semble donner des sueurs froides à la délégation canadienne: 232.

C'est l'article de la loi américaine sur le commerce international qui permet au président Donald Trump d'imposer de lourds tarifs douaniers aux produits étrangers au nom de la sécurité nationale.

Le gouvernement canadien tente avec l'énergie du désespoir d'émousser cette épée de Damoclès.

Des sources ont indiqué que les discussions entre la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland et le négociateur en chef américain Robert Lighthizer ont été dominées jeudi par la détermination canadienne à obtenir la garantie que le nouvel accord limitera la menace de l'imposition de nouveaux tarifs en vertu de l'article 232.

«(L'article) 232 est en train de devenir un problème important», a confié une de ces sources proches des négociations.

Selon cette source, le Canada ne tente pas d'obtenir une immunité complète contre le bon vouloir du président. Il veut simplement être sûr que la principale arme présidentielle sur le plan des négociations commerciales «soit plus difficile à manier».

De son côté, Mme Freeland a donné peu de raisons de se réjouir à ceux qui souhaitent la conclusion d'une entente. Elle s'en est tenue à sa stratégie de garder le silence sur les négociations, se contentant de dire que les deux parties devaient se concentrer «sur des enjeux épineux».

«L'atmosphère à la table est toujours constructive. Nous tentons toujours de conclure une entente, ce qui a toujours été l'objectif du Canada, a déclaré Mme Freeland. Depuis le début, le Canada est guidé par une simple idée maîtresse. Nous sommes toujours guidés par cette idée maîtresse. Cette idée est d'obtenir une entente qui sera bonne pour le Canada et bonne pour les Canadiens. C'est notre objectif.»

Mais l'article 232 demeure un obstacle à la conclusion d'une entente, croient des observateurs.

«Cet enjeu autour de l'article 232 est vraiment important. Le chapitre 19 concernant la résolution des disputes est moins important», a dit Darrel Pearson, du cabinet d'avocats Bennett Jones de Toronro.

Pour le président du syndicat Unifor, Jerry Dias, l'article 232 «qui n'a aucun sens» peut devenir un facteur de rupture à la table des négociations.

«On ne gardera pas les bras croisés pendant que M. Trump pointe vers nous son arme économique, a-t-il lancé. On parle d'un accord entre deux pays, mais on peut laisser à l'un d'entre eux se réserver le droit de faire tressaillir l'économie de l'autre à tout moment ? Aucune chance!»