Le président américain accuse les Canadiens de magasiner aux États-Unis et de rapporter clandestinement leurs achats au pays pour éviter de payer les « énormes » tarifs imposés sur les produits américains.

S'adressant mardi à des petits entrepreneurs à Washington, Donald Trump s'en est pris encore une fois à l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), affirmant que les États-Unis ne pouvaient plus se permettre d'être le « pays stupide » dans cette entente tripartite.

Le président a aussi soutenu que le Canada imposait des tarifs si élevés sur les produits américains - comme les chaussures, par exemple - que les Canadiens sont obligés de les « endommager » un peu afin de les « rapporter clandestinement » chez eux sans payer de taxes.

M. Trump a aussi promis de protéger les agriculteurs et les fabricants américains, et il s'en est pris encore une fois au système canadien de gestion de l'offre dans l'industrie laitière.

« Nous ne pouvons plus être le pays stupide; nous voulons être le pays futé », a-t-il affirmé sous les applaudissements de son auditoire.

Plusieurs biens américains seront soumis à des tarifs canadiens dans les semaines à venir.

Le Canada devrait imposer le 1er juillet des tarifs douaniers de 16,6 milliards sur des produits américains, après que M. Trump a imposé des tarifs sur les importations d'aluminium et d'acier du Canada, du Mexique et de l'Union européenne, en invoquant la « sécurité nationale ». Le président américain menace maintenant d'imposer des tarifs dans le secteur automobile, une industrie extrêmement intégrée en Amérique du Nord.

« Absurde et injuste »

La ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a indiqué mardi au comité du commerce international des Communes que la décision américaine, « absurde et injuste », se heurterait à une réponse ferme.

Le gouvernement a terminé de consulter les Canadiens au sujet de la liste de biens de consommation américains qu'il pourrait soumettre à de nouveaux tarifs - des dizaines de produits, du bourbon du Kentucky aux chandelles, en passant par les crayons-feutres.

« Nous allons utiliser ces commentaires pour apporter des modifications à la liste », a-t-elle expliqué. « Nous ne souhaitons pas une escalade, mais nous ne reculerons pas. »

Mme Freeland a rencontré la semaine dernière Robert Lighthizer, le représentant américain au Commerce, et lui a parlé lundi lors d'une conversation téléphonique. Elle a aussi discuté avec le secrétaire d'État américain Mike Pompeo au cours du week-end. Elle a affirmé que le Canada, le Mexique et les États-Unis continueraient de négocier pendant l'été pour le renouvellement de l'ALÉNA et s'est dite convaincue de la bonne volonté des différents acteurs pour faire progresser ce dossier.

Débat d'urgence refusé

Plus tôt mardi, l'opposition officielle à Ottawa a réclamé un débat d'urgence aux Communes sur l'avenir du commerce canado-américain, mais le président de la Chambre a refusé.

Le porte-parole du Parti conservateur en matière d'affaires étrangères, Erin O'Toole, a soutenu que les Canadiens souhaitaient que leurs élus se penchent sur « la plus importante crise économique de leur existence ».

Erin O'Toole estime qu'une telle mesure serait « dévastatrice » pour l'industrie automobile en Ontario. Le député ontarien a plaidé mardi qu'« il n'y a jamais eu de menace aussi imminente pour l'économie canadienne ». Le président de la Chambre, Geoff Regan, a toutefois rejeté sa requête d'un débat d'urgence aux Communes.

La tentative de sauvetage de l'ALENA survient alors que la crainte d'une guerre commerciale mondiale continue de croître: l'administration Trump menace d'imposer de nouveaux tarifs à la Chine, qui viseraient cette fois des biens de 200 milliards. Le gouvernement chinois a répliqué mardi en annonçant qu'il répondrait par « des mesures exhaustives » qui pourraient cibler les entreprises américaines.

L'accentuation des craintes de voir une guerre commerciale mondiale a pesé mardi sur les grands indices boursiers nord-américains, qui ont tous affiché des reculs à la fermeture des marchés.