Le Bureau de la concurrence du Canada continue à mener sa propre investigation sur un scandale international qui a déjà coûté des millions de dollars à la banque britannique Barclays et contraint son chef de la direction à démissionner.

Selon les documents déposés auprès d'une cour de l'Ontario, le Bureau enquêterait sur l'implication possible d'institutions canadiennes dans cette affaire de collusion qui a bouleversé le monde financier.

Ils offrent un portrait détaillé des présumées manoeuvres de six banques internationales, qui auraient prétendument comploté pour établir le taux interbancaire offert à Londres (LIBOR) en yens, selon leurs besoins et leur situation commerciale.

L'une des institutions citées, la branche canadienne de la Banque royale d'Écosse, a contesté la démarche du Bureau de la concurrence devant les tribunaux, soutenant qu'elle était inconstitutionnelle et qu'elle dépassait le mandat de l'organisme fédéral. Gabrielle Tassé, l'une des porte-parole du Bureau, a toutefois déclaré que l'enquête se poursuivait.

Le LIBOR est un taux de référence qui influence le prix des emprunts pour les entreprises, les institutions financières, les gouvernements et les consommateurs. Jusqu'à présent, Barclays a dû verser 455 millions $US en amendes alors que son chef de la direction, Bob Diamond, a été forcé de quitter son poste.

Même si l'impact de ce genre de manipulation se ferait surtout sentir sur le plan international, l'économiste en chef de la Banque TD, Craig Alexander, a affirmé que les Canadiens pourraient être touchés directement et indirectement.

«LIBOR n'est pas le principal facteur pour déterminer le coût de financement des banques canadiennes, mais il peut influencer les institutions financières canadiennes, les gouvernements et les grandes compagnies canadiennes qui font des affaires sur les marchés financiers internationaux», a-t-il expliqué.

Cela pourrait également se rendre jusqu'aux consommateurs et perturber les taux d'intérêt pour les prêts aux entreprises, mais ce serait minime selon M. Alexander.

«Je pense que le Bureau de la concurrence essaie d'évaluer l'importance de l'impact qu'aurait pu avoir la manipulation du LIBOR sur les investisseurs canadiens», a-t-il avancé.

Les allégations sont basées sur le témoignage de l'un des participants, qui a dénoncé ses comparses en échange de l'immunité judiciaire. Cinq filiales canadiennes de banques internationales ont été obligées de fournir des documents en lien avec ces présumées malversations, qui auraient eu lieu entre 2007 et 2010.

Il s'agit des divisions canadiennes de la Banque royale d'Écosse, de la Banque HSBC, de la Deutsche Bank, de la JP Morgan Bank et de Citibank. ICAP, une firme de courtage interprofessionnelle active dans le domaine des taux d'intérêt, du crédit, des marchandises, de l'échange de devises et des produits dérivés sur actions, est aussi visée.

Aucune accusation n'a été portée et les documents soumis par le Bureau de la concurrence n'indiquent pas que des méfaits auraient été commis en sol canadien, où ce type d'infractions est passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 25 millions $ ou de 14 ans de prison.

La semaine dernière, l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières a lancé sa propre enquête afin de savoir si la version canadienne du LIBOR, le CDOR, avait aussi été manipulé.