Les grandes entreprises canadiennes ont profité de conditions avantageuses pour se financer sur les marchés obligataires au cours de la première moitié de l'année.

Elles ont réussi 130 émissions qui leur ont permis de financer ou refinancer 45,9 milliards de dette, contre 29,2 milliards durant les six premiers mois de 2009 alors que sévissait la récession.

La performance de cette année est à 2 milliards près seulement du record de 2008. «Plusieurs facteurs expliquent cette recrudescence d'activité sur le marché primaire», souligne Jean-François Godin, vice-président à la recherche chez Valeurs mobilières Desjardins, qui tient un registre très détaillé de toutes les émissions. Des rendements réels historiquement faibles, le retrait attendu du «degré de détente monétaire considérable» par la Banque du Canada, les liquidités anormalement considérables des investisseurs jumelées à leur moins grande aversion pour le risque de crédit ont dopé la demande pour de la dette de sociétés.

Selon M. Godin, ces conditions vont persister en seconde moitié d'année. Voilà pourquoi il augmente de 5 milliards sa prévision annuelle de la valeur des émissions qu'il porte à de 70 à 75 milliards.

Il estime que les liquidités à faire fructifier restent abondantes. Certes, les écarts de rendement entre les obligations du Canada et les corporatives se sont élargis avec la crise de la dette souveraine européenne. «Toutefois, les rendements réels consentis demeurent faibles, ce qui incite les entreprises à se refinancer pour tirer profit de la conjoncture actuelle», soutient M. Godin. Il ne s'attend pas toutefois à un rétrécissement des écarts cette année.

D'autres facteurs militent en faveur des émissions. Ainsi, depuis le 1er avril, Ottawa a mis fin au programme de rachat de titres hypothécaires, mis sur pied pour aider les banques à traverser la crise du crédit de l'an dernier. Depuis, celles-ci se sont montrées très actives avec 31 émissions qui leur ont permis de récolter quelque 21 milliards, contre à peine 7,2 milliards de janvier à juin 2009.

Elles ont concentré leurs émissions dans de la dette non garantie de premier rang dont la valeur des émissions a atteint 12,7 milliards.

Des six grandes banques, la Royale s'est montrée la plus chercheuse de financement avec 4,1 milliards, soit 400 millions de plus que la Banque de Nouvelle-Écosse. Le Mouvement Desjardins en a ramassé pour 1,8 milliard et la filiale financière de la Caisse de dépôt et placement, 2 milliards.

Les banques ont privilégié les échéances plus courtes: 5,3 ans contre 10,1 ans en moyenne en 2009. Elles ont par conséquent consenti des rendements moins élevés: 3,7% contre 7,2% en moyenne l'an dernier.

Les financières de même que les vendeuses de crédit se sont aussi montrées bien actives. En revanche, on ne relève aucune émission de sociétés de télécoms en première moitié d'année. L'an dernier, elles étaient allées chercher 2,4 milliards.

Fait à souligner, l'industrie automobile, absente depuis deux ans, est revenue sur le marché à la faveur d'une émission de 750 millions de BMW Canada.

Autre signe indéniable que les entreprises profitent des conditions avantageuses actuelles, 25,6 des 45,9 milliards d'émissions représentent de la nouvelle dette, soit 21 milliards de plus qu'en 2009.

On dénombre enfin cinq émissions de qualité spéculative (junk bonds) pour une somme de 1,4 milliard. En première moitié de 2009, il n'y en avait eu qu'une de 300 millions. Pour l'ensemble de 2009, ce type d'émissions a été limité à quatre d'une valeur de 800 millions. M. Godin tient toutefois à apporter une précision de taille. «Il n'y a eu aucune émission de ce type depuis le 1er avril.» Cela coïncide avec l'éclatement de la crise de la dette souveraine de quelques pays de la zone euro.

LES ENTREPRISES MULTIPLIENT LES EMPRUNTS

Émissions d'obligations des sociétés au 1er semestre

2010 / 2009 / VARIATION

Émissions totales: 45,9 milliards / 29,2 milliards / +57%

Nombre d'émissions: 130 / 96 / +35%

Montant moyen par émission: 354 millions / 304 millions

Part du secteur financier: 75% / 47%

Part des autres secteurs: 25% / 53%