Selon un sondage mené pour l'Association canadienne de la paie (ACP) auprès de 2800 personnes, 59 % des employés canadiens auraient des difficultés à acquitter leurs obligations si leur paie était versée une semaine plus tard que prévu.

Les travailleurs québécois font meilleure figure, alors que 34 % d'entre eux soutiennent que le report de leur paie les placerait dans une situation financière préoccupante. « Les Québécois se sentent moins touchés par la récession «, explique Richard Rousseau, président sortant du conseil d'administration de l'ACP.Les spécialistes en finances personnelles recommandent pourtant aux ménages de constituer un coussin budgétaire équivalent à deux ou trois mois de dépenses. Mais cette saine pratique, aux relents de désuétude, a été délaissée au profit des cartes et marges de crédit.

Parmi les groupes d'âge, ce sont les jeunes Canadiens de 18 à 34 ans qui, dans une proportion de 64 %, sont les plus nombreux à longer inconfortablement le précipice budgétaire.

Les familles monoparentales témoignent de la situation la plus fragile : 72 % d'entre eux seraient mis en difficulté par une paie retardée.

« C'est inquiétant, les gens ont pris des habitudes de consommation qui font en sorte qu'ils ont peu de marge de manoeuvre, constate Maurice Gosselin, titulaire de la chaire Groupe Investors en planification financière à l'Université Laval. Et on est chanceux, on est dans une période où les taux d'intérêt sont bas. «

Rien de surprenant, dès lors, que la moitié des répondants s'estiment incapables d'épargner plus de 5 % de leur paie nette. « Les experts financiers disent qu'on devrait mettre 10 % de côté pour le régime de retraite, soulève Richard Rousseau. On en est loin. «

Les travailleurs ont pourtant conscience de l'importance de l'épargne. En effet, 31 % des Canadiens ont eu la noble intention d'économiser davantage que l'année précédente, sans parvenir pour autant à joindre le geste au souhait.

Paradoxalement, la moitié des répondants estiment avoir besoin d'un capital de 750 000 $ à 3 millions pour vivre une retraite confortable. Ces chiffres sont considérables. « Un régime de retraite d'employeur, pour quelqu'un qui prend sa retraite avec un salaire de 75 000 $, a une valeur actualisée qui se situe entre 500 000 $ et 750 000 $ «, souligne Maurice Gosselin. Il en tire le constat d'un problème majeur : « un certain analphabétisme financier «.

Une retraite à 65 ans, planifiée suffisamment tôt, nécessitera un ratio d'épargne inférieur aux 10 % souvent cités, rappelle de son côté Martin Dupras, vice-président chez Aon Conseil.

Autre problème, l'épargnant peut se sentir écrasé par l'ensemble des objectifs financiers qu'on lui trace. « Le client se dit qu'il a tellement peu les moyens de tout faire qu'il décide de ne rien faire. Et il va espérer que la 6/49 le gâte. « C'est un autre élément de ce sondage : s'ils gagnaient 1 million de dollars, 70 % des Canadiens rembourseraient d'abord leurs dettes.