En affirmant être surmené, Elon Musk, désormais fragilisé, a renvoyé la balle vers Tesla à qui il revient maintenant de déterminer si son iconoclaste PDG a besoin d'aide pour continuer à assumer ses fonctions, estiment les experts.

Le milliardaire de 47 ans, reconnu comme l'un des innovateurs les plus en pointe aux États-Unis, doit-il prendre du champ ou doit-on lui adjoindre un numéro 2 ? Les solutions paraissent limitées.

« Le conseil d'administration de Tesla doit agir et trouver un directeur des opérations dès que possible », réclame Ross Gerber, un des actionnaires, sur Twitter. « Il n'est pas censé laisser Elon se consumer de la sorte », ajoute cet inconditionnel du milliardaire.

M. Musk a donné vendredi un entretien émouvant au New York Times, dans lequel il se confie sur ses états d'âme, fait rare chez les grands patrons qui incarnent le visage de leur entreprise.

Il révèle travailler 120 heures par semaine, prendre un sédatif pour dormir et voir de moins en moins ses enfants et ses amis.

Ces confidences, qui ont provoqué le plongeon de près de 9 % de l'action, tombent au moment où le constructeur de véhicules électriques haut de gamme est dans la ligne de mire du gendarme de la Bourse, la SEC.

Tesla fait en effet l'objet de poursuites judiciaires de financiers après un tweet du 7 août de Elon Musk affirmant avoir « sécurisé le financement » pour sortir la société de la Bourse au prix de 420 dollars le titre.

S'il refuse de donner un avis sur le cas spécifique de M. Musk, Michael Freeman, enseignant en psychiatrie à l'université de San Francisco, renvoie l'AFP vers un de ses articles publiés en février. Avec trois collègues, il y expliquait que les difficultés psychologiques, dont la dépression et l'usage de substances et médicaments, « peuvent affecter le comportement et les décisions » des entrepreneurs.

Discussion franche

« Il faut clairement un lieutenant à Elon Musk » sous le modèle de ce qui est déjà en place chez SpaceX, une des sociétés fondées par le milliardaire, affirme Charles Whitehead, professeur de droit à l'Université Cornell à New York.

Les opérations au jour le jour de la société aérospatiale sont dirigées par Gwynne Shotwell, qui occupe la fonction de directrice générale déléguée.

Tesla a songé à un tel schéma il y a quelques années et avait pensé à Sheryl Sandberg, la numéro 2 de Facebook, selon Elon Musk.

Mais le conseil d'administration n'envisage pas pour l'instant de relancer l'idée d'un tel arrangement, a confié vendredi à l'AFP une source proche du dossier.

Contacté par l'AFP, Tesla s'est refusé à tout commentaire.

Mme Sandberg est créditée pour avoir aidé Facebook à monétiser son audience et pour avoir apporté de la maturité au jeune Mark Zuckerberg.

Chez Tesla, Elon Musk est l'homme à tout faire: il égratigne les journalistes, moque les spéculateurs et s'improvise directeur des usines en Californie et dans le Nevada.

« Il sera très difficile pour Tesla de réussir sans son fondateur visionnaire », en déduit Scott Shane de l'université Case Western Reserve. Ce spécialiste de l'entrepreneuriat estime que c'est au moment où Tesla faisait son entrée en Bourse qu'il aurait fallu songer à un « management professionnel ».

Tesla pèse près de 53 milliards de dollars en Bourse, soit davantage que General Motors, et le doit principalement à la personnalité de M. Musk, qui a promis de transformer la voiture en un bijou technologique « propre » accessible aux masses.

Mais Charles Elson, de l'université du Delaware, insiste sur le fait que les administrateurs, dont James Murdoch, doivent « oublier leurs liens » avec M. Musk et « ne plus penser qu'aux intérêts de salariés et des autres actionnaires ».

« Il faut qu'un administrateur, tout en prenant garde de ne pas lui donner l'impression qu'il a fait quelque chose de mal, explique franchement à Elon qu'il a besoin d'aide pour que l'entreprise réussisse », renchérit Charles Whitehead.

Un conseil d'administration ne joue pas que le rôle de policier mais est là également pour conseiller un PDG pour qu'il « fasse du bon travail », développe-t-il.

À court terme, M. Musk pourrait, selon ces spécialistes, prendre un peu de champ pour se reposer en suivant le modèle d'Antonio Horta-Osorio.

En 2011, le PDG de Lloyds Banking Group, découvert épuisé dans son bureau, avait pris un arrêt de travail de quelques semaines et avait repris par la suite ses fonctions, avec succès.