À l'heure d'aborder 2015, le PDG de Nissan, Carlos Ghosn, a promis vendredi de produire plus de voitures au Japon pour profiter du yen faible, conséquence de la politique des abenomics qui a selon lui redonné vie à l'économie nippone.

«Nous n'aurions jamais imaginé un dollar à 120 yens il y a un an, nous sommes soudain devant un changement complet de scénario!», s'est-il exclamé devant la presse convoquée à Yokohama, siège de l'entreprise dont Renault est le premier actionnaire.

Pourfendeur du yen fort, M. Ghosn n'avait cessé de réclamer un «taux de change neutre, à savoir un dollar pour 100 yens».

Sur ce, le premier ministre Shinzo Abe est arrivé au pouvoir fin 2012. «Il avait dit qu'il abaisserait le yen à un niveau raisonnable, il l'a fait. Nous avions demandé 100 yens pour un dollar, il a fait beaucoup mieux», a souligné M. Ghosn, désormais bien décidé à lui donner le change.

Hausse de production et salaires 

«Nous allons accroître la production au Japon, une étape logique puisque le yen n'est plus un handicap», a-t-il annoncé.

Le nombre de véhicules fabriqués dans l'archipel devrait ainsi passer de 900 000 au cours de l'exercice actuel à «un million» voire plus en 2015-2016, soit 20% du total mondial.

Il ne s'agira pas d'une opération au détriment de la production à l'extérieur, a toutefois souligné M. Ghosn. «Nous ne modifions pas notre stratégie globale qui est de produire localement» pour réduire au maximum les effets de changes, a-t-il insisté. En outre, «nous devons être prudents car le yen pourrait se renforcer à l'avenir».

Outre la prime au «made in Japan» qui devrait à coup sûr plaire à M. Abe, Carlos Ghosn s'est implicitement dit prêt à augmenter les rétributions de ses salariés.

De quoi satisfaire aussi le premier ministre nippon qui avait convoqué mardi les dirigeants d'entreprises pour les pousser à faire ce geste. «Le gouvernement a raison: si une compagnie devient plus prospère grâce à sa politique, cette prospérité doit être partagée», a doctement expliqué M. Ghosn, patron le mieux payé du Japon.

Les exportateurs, en premier lieu les constructeurs d'automobiles, ont fortement bénéficié de la dépréciation du yen.

Ce phénomène renforce leur compétitivité à l'étranger et gonfle mécaniquement leurs recettes comptabilisées en yens. Quand le billet vert s'élève d'un yen sur un an, Nissan voit son bénéfice opérationnel grimper de 12 milliards.

De manière plus générale, Carlos Ghosn a vanté les mérites des abenomics. «Le monde des affaires ne peut pas ne pas soutenir» cette stratégie: elle a le mérite de «la clarté» et de la «cohérence», et «redonne un nouvel élan à l'économie», a-t-il estimé, jugeant qu'on en verrait les effets positifs «dans six mois, un an, deux ans».

L'inconnue russe 

Après une année 2014 de «regain» et de «performances solides», le PDG de Nissan entend bien poursuivre sur cette lancée. «Nous allons continuer notre offensive aux États-Unis et devenir la première marque japonaise en Europe», a-t-il lancé.

Le groupe espère aussi une meilleure donne en Chine, premier marché automobile mondial, où il connaît des difficultés.

La grande incertitude se trouve en Russie où Nissan affiche de grandes ambitions, avec son partenaire Renault et le constructeur Avtogaz récemment tombé dans leur escarcelle. «Le marché décline et le rouble s'effondre, de très mauvaises nouvelles», a résumé M. Ghosn.

Nissan a été contraint d'augmenter les prix (de l'ordre de 5 à 8% sur la semaine écoulée) et ne prend plus de commandes à certains endroits.

Cependant, dans cet environnement difficile, «nous gagnons des parts de marché. La crise aura une fin et à ce moment-là nous récolterons les fruits de nos efforts», a-t-il prédit, assurant viser 40% du marché pour l'alliance à trois.

Enfin, 2015 est aussi l'année où s'achève le mandat de Carlos Ghosn à la tête de Nissan.

Arrivé en 1999 pour sauver une entreprise au bord de la faillite, l'énergique dirigeant de 60 ans va-t-il prolonger l'aventure?

Il a une nouvelle fois laissé la question ouverte. «Nous avons un conseil d'administration en février, donc j'ai encore un mois pour y réfléchir».