La bombe était attendue depuis des semaines. Maintenant que les documents de faillite sont déposés, GM (GM) espère se restructurer rapidement et prendre un virage vert en introduisant 14 modèles hybrides d'ici trois ans.

«Nous le ferons une seule fois et nous le ferons comme il faut», a déclaré Fritz Henderson, PDG de General Motors, peu après le dépôt de bilan de l'entreprise devant un tribunal new-yorkais, hier matin.

La faillite de GM est la quatrième en importance de l'histoire des États-Unis et représente un aveu de défaite pour ce symbole de la puissance industrielle américaine. Au terme de sa restructuration judiciaire, le constructeur sera délesté d'une bonne partie de sa dette, de cinq bannières, de 14 usines et de 21 000 employés.

Aucune des filiales de GM ne s'est protégée de ses créanciers à l'extérieur des États-Unis. La filiale canadienne est épargnée et conservera toutes ses usines. Le départ de 3000 travailleurs licenciés au cours des derniers mois au Canada a toutefois été officialisé hier.

Selon des documents déposés en cour, la dette totale de GM atteint 172,8 milliards US, et ses actifs, 82,3 milliards US. L'entreprise a plus de 100 000 créanciers.

Washington actionnaire

Le gouvernement américain - et dans une moindre mesure ceux du Canada et de l'Ontario - sera de loin le principal actionnaire du «nouveau GM», composé seulement des actifs les plus sains du groupe.

En échange d'une aide financière totale de 50 milliards US, Washington recevra 61% des actions de l'entreprise. Ottawa et Queen's Park détiendront 12% des titres en circulation, en contrepartie d'un financement de 10,5 milliards CAN.

En dépit de cette injection massive de fonds publics, le président américain Barack Obama s'est défendu de vouloir intervenir dans les affaires de GM après la restructuration judiciaire. «Nous nous comportons en actionnaires récalcitrants parce que c'est la seule façon d'aider GM, a-t-il déclaré pendant une conférence de presse télévisée. Ce que ne nous ne ferons pas, ce qui ne nous intéresse pas, c'est de gérer GM.»

Les impacts d'une liquidation de GM auraient été «dévastateurs» pour l'économie du pays tout entier, d'où la nécessiter d'allonger les milliards, a dit Barack Obama.

Les gouvernements comptent se départir peu à peu de leurs actions, au fur et à mesure que GM verra sa valeur boursière augmenter. La nouvelle entité pourrait mettre entre 6 et 18 mois avant d'effectuer son premier appel public à l'épargne, selon une source officielle citée par Bloomberg.

General Motors espère sortir de la protection des tribunaux d'ici de 60 à 90 jours. Les accords intervenus avec ses principaux syndicats en Amérique du Nord, de même qu'avec la majorité des créanciers obligataires non garantis, devraient permettre de mener les démarches assez rondement, estiment les dirigeants du groupe.

Au sortir du processus, le «nouveau GM» sera capable d'être rentable aux États-Unis avec un volume de vente de 10 millions de véhicules pour l'ensemble de l'industrie, a affirmé l'entreprise. Cela se compare aux niveaux de 15 à 17 millions enregistrés entre 1995 et 2007, avant la crise économique.

GM misera aussi à fond sur les technologies écologiques, avec le lancement prévu de la Chevrolet Volt l'an prochain, véhicule hybride révolutionnaire dont la viabilité économique n'apparait pas encore assurée. Le constructeur veut par ailleurs que 65% de ses véhicules soient compatibles avec l'éthanol et d'autres biocarburants d'ici 2014.

«Toutes les choses qui peuvent être mises de l'avant pour que GM progresse sont là; si l'entreprise ne progresse pas, c'est carrément qu'elle a une mauvaise stratégie ou que l'exécution est inférieure à ce qu'elle devrait être», a fait valoir à La Presse Affaires Louis Gialloreto, expert de l'industrie automobile de l'Université McGill.

Joseph D'Cruz, professeur de gestion stratégique à l'Université de Toronto, souligne lui aussi le besoin urgent de changer les façons de faire. Il faut non seulement concevoir de nouveaux véhicules de qualité, mais surtout gérer l'entreprise de façon plus efficace, dit-il. L'administration Obama a fait un premier pas dans cette direction en chassant l'ancien PDG Rick Wagoner au profit de Fritz Henderson il y a deux mois.

«Je suis assez optimiste: GM a un grand bassin de talents en ingénierie, a souligné M. D'Cruz. Ce qui ne marche pas chez GM, ce sont les processus de prise de décision qui devraient mener à une bonne utilisation de ces talents.»

GM poursuivra normalement ses activités pendant la restructuration judiciaire et continuera d'honorer toutes les garanties en vigueur, a indiqué l'entreprise hier. Les gouvernements du Canada et des États-Unis se sont engagés à respecter les garanties de GM et Chrysler (aussi en dépôt de bilan) dans le cas où les constructeurs seraient incapables de fournir le service.

Au sortir de sa refonte, GM offrira seulement quatre bannières en Amérique du Nord: Chevrolet, Cadillac, Buick et GMC. Le réseau de concessionnaires sera réduit de 42% d'ici octobre 2010, ce qui se traduira par environ 10 000 pertes d'emplois au Canada.

Le grand patron de GM, Fritz Henderson, a tenu à saluer les importants sacrifices consentis par les travailleurs, créanciers, fournisseurs et plusieurs autres parties pénalisées par la déconfiture de l'entreprise.

La faillite de GM, estimée à 91 milliards US, est la quatrième plus importante de l'histoire des États-Unis, après celles des banques Lehman Brothers (691 milliards US) et Washington Mutual (328 milliards US) l'an dernier et de l'entreprise de télécoms WorldCom en 2002 (104 milliards US).

GM, fondé à Detroit en 1908, emploie aujourd'hui 234 500 personnes dans le monde et vend ses véhicules dans 140 pays. L'entreprise a perdu plus de 82 milliards US depuis cinq ans.

 

LES PRINCIPAUX POINTS DU PLANGM

Washington fournit une aide de 30 milliards US (en plus des 20 milliards US déjà investis). En échange, le Trésor recevra 8,8 milliards de dette et 60% du capital de la nouvelle société.

Ottawa et l'Ontario avanceront 9,5 milliards US. Ils recevront 1,7 milliard

en titres de dette, 12% du capital et un siège au conseil d'administration.

GM va fermer 11 usines et en mettre 3 autres au chômage technique.

GM compte offrir 14 modèles hybrides d'ici 2012 Aucune filiale de GM, hors des États-Unis, ne déclarera faillite AFP