Près de deux milliards de dollars envolés en Bourse en deux jours: l'enseigne Whole Foods, symbole du «bio» aux États-Unis, n'a plus la cote même si les Américains demandent aujourd'hui davantage de produits de haute qualité.

Créée en fanfare en 1980 à Austin (Texas) sur le credo du commerce équitable et du manger sain, elle subit depuis le début de l'année une désaffection des consommateurs.

Ses ventes ont reculé de près de 8 % à 3,6 milliards de dollars lors du dernier trimestre. Et leur érosion devrait se poursuivre, a averti l'enseigne.

Pourtant, «il y a une prise de conscience et un accent mis sur le fait de manger sainement», dit à l'AFP le diététicien Keith-Thomas Ayoob, professeur à l'école de médecine Albert Einstein à New York.

Selon un sondage de l'institut Gallup d'août 2014, près d'un Américain sur deux (45 %) disait inclure des aliments biologiques dans son alimentation. Chez les 18-29 ans, qui font partie des très courtisés «Millennials», c'est plus de la moitié (53 %).

En parallèle, la restauration rapide traditionnelle «à l'américaine» se porte mal, à l'image du géant McDonald's qui a décidé de bannir de ses cuisines les poulets élevés aux antibiotiques dans l'espoir de faire revenir les clients. Les autres grands noms comme Chipotle clament haut et fort la traçabilité de leurs produits.

Élitiste

Dans ce nouveau désir du manger sain, le déclin de Whole Foods s'explique par une réputation écornée et une concurrence de plus en plus forte dans le «bio», selon les experts.

Le département responsable de la protection des consommateurs de New York a annoncé en juin avoir découvert que Whole Foods faisait surpayer ses clients sur des produits préconditionnés ou préemballés. Le prix affiché ne correspondait pas par exemple au prix payé en caisse par le client.

Cette enquête, qui a reçu un fort retentissement médiatique, a écorné l'image de l'enseigne et conforté sa réputation d'élitisme et son surnom de «Whole Paycheck» (J'y laisse toute ma paie).

Cet épisode rappelle, selon l'analyste Karen Short de Deutsche Bank, que les consommateurs estiment que les produits de Whole Foods sont trop chers.

Un panier moyen vaut 100 dollars chez Whole Foods à Boston, son deuxième gros marché après New York, contre 70 chez le concurrent Trader Joe's, selon la banque Jefferies.

En ligne, sur 120 articles identiques, les analystes de Deutsche Bank ont trouvé que les produits frais vendus par Whole Foods, via la plateforme Instacart, étaient 10 % plus chers que ceux commercialisés par AmazonFresh entre les 6 et 10 juillet.

«Pour la plupart des consommateurs, le prix est important. Ils en viennent à se demander si les prix gonflés des produits Whole Foods en valent vraiment la peine», observe M. Ayoob.

Selon le diététicien, «si le consommateur trouve un produit ''naturel'' ou ''bio'' qu'il aime à un coût beaucoup moins élevé que chez Whole Foods sa fidélité s'estompe».

En moins de deux ans, les rayons «bio» ont essaimé dans les magasins des mastodontes de la distribution comme Walmart, Target ou Kroger.

Forts de leurs réseaux de magasins couvrant l'ensemble du territoire, ils peuvent en jouer comme leviers auprès des fournisseurs (agriculteurs, fermiers, coopératives agricoles...) pour obtenir des prix bas.

À l'inverse, Whole Foods, présente dans 41 États et trois pays (États - Unis, Canada, Royaume-Uni) seulement avec 422 magasins, est limitée par sa taille et ses volumes d'achats.

Consciente de ses handicaps, l'enseigne est en train de déployer un plan mettant en avant sa différence dans l'espoir de regagner la confiance des consommateurs et d'élargir sa clientèle.

Elle a réduit de 3 à 11 % les prix sur ses produits d'appels et s'apprête à lancer un nouveau concept de magasin - «365» - devant offrir des petits prix. Le premier magasin est censé ouvrir en 2016 à Los Angeles.

«Si la confiance est rompue, elle doit être reconstruite pas à pas [...] il n'y a pas de baguette magique si ce n'est d'être transparent», a déclaré récemment aux analystes Walter Robb, copatron de Whole Foods.

Pas sûr que ce soit suffisant à court terme: «ça prendra du temps», estime l'analyste Meredith Adler de Barclays.