En cette année internationale des coopératives, on pouvait difficilement ne pas souligner le 90e anniversaire de la Coop fédérée, plus importante coopérative agricole québécoise. La Coop fédérée est le regroupement de 85 coopératives associées qui appartient à ses 95 000 membres, mais elle est aussi et surtout un important acteur économique, comme en témoigne son chiffre d'affaires annuel de 4,6 milliards de dollars.

Claude Lafleur est agroéconomiste et il préside les destinées de la Coop fédérée depuis 2005. Il est donc devenu PDG de l'institution au moment même où celle-ci subissait les contrecoups de la crise de l'industrie porcine qui frappait de plein fouet sa principale filiale Olymel.

Olymel est une composante importante de la Coop fédérée. L'entreprise de transformation alimentaire génère à elle seule 2,2 milliards de dollars des revenus annuels de la Coop.

«De 2003 à 2006, l'industrie du porc était en crise. La forte remontée du dollar canadien nous a fait perdre toute notre marge de profitabilité et on a perdu certains de nos gros clients comme le Japon», rappelle Claude Lafleur.

En trois ans, Olymel a perdu 150 millions, dont 67 millions pour la seule année 2006. La situation semblait tellement insoluble que la Coop fédérée a songé à se départir de toutes ses activités porcines.

«On y a pensé, mais on ne pouvait pas non plus laisser tomber nos producteurs de porcs», explique Claude Lafleur.

Une importante restructuration a donc été entreprise. Des usines de transformation ont été fermées à Magog, Granby et Laval. L'abattoir de Saint-Valérien a été fermé, tout comme l'usine de découpage de Saint-Simon. Une renégociation à la baisse des salaires des employés a aussi fait couler beaucoup d'encre.

«On ne pouvait pas concurrencer les autres acteurs canadiens et américains avec des taux horaires à 27$. Il fallait réduire nos coûts. Je suis content aujourd'hui de ne pas avoir vendu Olymel. Le marché a repris et on arrive à rester rentable même avec un dollar canadien à parité avec le dollar américain», souligne Claude Lafleur.

Une entreprise multiple

La Coop fédérée ne se limite pas à Olymel et à ses 9500 travailleurs dans le secteur du porc et de la volaille au Québec et en Alberta. La coopérative agricole chapeaute également cinq secteurs d'activités complémentaires qui génèrent des revenus de 2,4 milliards.

Elle récolte 300 millions de la vente d'aliments pour animaux; 600 millions pour la vente de semences et de fertilisants; 500 millions de la commercialisation de grains; 750 millions de la distribution de produits pétroliers par l'entremise de sa filiale Sonic et, enfin, 250 millions de son réseau de 200 quincailleries Unimat.

«En 90 ans d'histoire, on a de plus noué beaucoup de partenariats où on détient 50% ou moins des actions des entreprises. C'est le cas du producteur laitier Nutrinor ou du terminal marin Norcan à Québec. Si on consolidait les revenus de nos partenaires, on aurait un chiffre d'affaires de plus de 9 milliards et on compterait 16 000 employés», explique Claude Lafleur.

Toute cette activité financière est générée par une entreprise qui affiche un bilan on ne peut plus sain avec moins de 300 millions de dette.

«On doit compter sur l'autofinancement pour assurer notre croissance. On doit donc être prudent, mais efficace. C'est pour cette raison qu'on a lancé en 2008 une vaste opération de révision de nos processus de gestion qu'on a baptisé le projet chrysalide.

«On a mis plus de rigueur dans la gestion. On a procédé à la transformation de tout notre réseau. On a fait des gains extraordinaires en revoyant de fond en comble nos systèmes informatiques et en implantant un système unifié qui est extrêmement performant», insiste Claude Lafleur.

Les gestionnaires de la Coop ont aussi passé en revue tous les actifs sous-utilisés et ont apporté les correctifs nécessaires.

«On a fermé 40 meuneries depuis 2008. On maintenait artificiellement en vie des installations qui n'avaient pas de raison économique de poursuivre leur existence. On est revenu au grand principe qu'il faut sauver les fermes par les structures», illustre le PDG de la Coop.

Les vertus de la coopération

Claude Lafleur envisage avec beaucoup de sérénité l'avenir de la Coop fédérée, dont le modèle de fonctionnement coopératif est un avantage selon lui.

«On est loin de la «financisation» à l'extrême de nos activités. On n'a pas de rendement à court terme à produire, de Bourse à suivre, de scandales à éviter. On est des gens de métier pas des gens de finance. C'est sûr que l'on est devenu globalisé et que l'on doit vivre avec des concurrents mondiaux, on ne peut pas y échapper, mais on va être là pour nos 100 ans», laisse tomber Claude Lafleur en riant.

Claude Lafleur hésite lorsqu'on lui pose ce qu'il appelle «la question qui tue», à savoir quelle a été la décision stratégique qu'il a prise et qui a fait la plus grande différence pour son entreprise. «Il y en a plusieurs, mais celle qui a été la plus significative pour la Coop, c'est d'avoir mis en branle notre projet chrysalide. C'est un programme de transformation continue de nos opérations qui va toujours se poursuivre», explique-t-il. Selon le PDG, il est essentiel de toujours se remettre en question, de bien savoir ce que l'on fait et pourquoi on le fait.