La taille de la dette publique est un problème dans beaucoup de pays. Aux États-Unis, où cette question revient périodiquement dans l’actualité, il s’agit d’un faux problème qui est en train d’en devenir un vrai.

La dette fédérale américaine a atteint en janvier 32 trillions US, soit plus de 32 mille milliards. C’est un record de tous les temps et c’est aussi la limite au-delà de laquelle le gouvernement fédéral ne peut plus emprunter pour respecter ses obligations sans l’accord de l’opposition.

Les conséquences de ce blocage sont importantes : l’argent manque pour payer les employés et les services fédéraux, et le gouvernement est paralysé. Ultimement, le pays pourrait se retrouver en défaut de paiement sur sa dette, ce qui serait le pire scénario.

Le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, et la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, ont d’ailleurs mis en garde les élus : l’absence d’une entente pour relever le plafond de la dette serait une catastrophe et pourrait semer le chaos sur les marchés financiers.

Ils ont tous deux insisté sur « les conséquences extrêmement négatives » et « les dommages à long terme » d’une crise de la dette sur l’économie américaine.

En 2011, la crise de la dette résolue in extremis avait entraîné une baisse de la cote de crédit des États-Unis par la firme Standard & Poor’s.

En attendant une éventuelle entente, l’administration américaine a dû gagner du temps en reportant certains paiements et en suspendant l’émission de nouvelle dette, ce qui repousse l’échéance du défaut de paiement à l’été.

L’existence d’une limite légale à l’endettement du gouvernement part d’un bon principe, celui de contrôler les dépenses publiques. Depuis 1960, le plafond de la dette a été relevé 78 fois selon le département du Trésor, la plupart du temps sans crise majeure, mais le clivage croissant entre républicains et démocrates rend l’exercice de plus en plus difficile.

Aujourd’hui, les républicains, qui détiennent la majorité à la Chambre des représentants, sont en position d’exiger des réductions substantielles des dépenses de l’administration Biden, en agitant les dangers d’une dette devenue hors de contrôle.

La dette fédérale américaine a doublé depuis 10 ans et atteint maintenant 120 % du produit intérieur brut. C’est un des ratios les plus élevés des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), après ceux du Japon et de l’Italie.

L’endettement total, qui est la somme des déficits annuels du gouvernement, s’est accéléré avec les baisses d’impôt des entreprises décrétées sous le gouvernement de Donald Trump, les programmes de dépenses initiés par l’administration Biden et la crise de la COVID-19.

Avec la hausse des taux d’intérêt, le poids de cette dette s’alourdit et selon plusieurs observateurs, dont la secrétaire au Trésor, pourrait devenir insoutenable à long terme.

Réductions de dépenses ou augmentations d’impôt

La nouvelle d’une faillite prochaine de l’économie américaine est grandement exagérée, pourrait-on dire en paraphrasant l’auteur Mark Twain. Le jour où les investisseurs du monde entier ne voudront plus des titres de dette des États-Unis est encore loin.

Surtout, le pays a les moyens de remettre ses finances en ordre. Pour les républicains, ces moyens sont évidents et se résument à réduire les dépenses fédérales, quoiqu’ils ne s’entendent pas sur ce qui devrait être réduit.

Le budget soumis la semaine dernière par le président Joe Biden, même s’il n’a aucune chance d’être adopté, lance les négociations. Il propose des dépenses supplémentaires, mais aussi un plan de réduction du déficit sur 10 ans financé par une augmentation des impôts des plus riches.

Il y a certainement des dépenses qui peuvent être réduites dans un budget de la taille de celui des États-Unis, mais il y a aussi beaucoup à faire sur le front des revenus. Les États-Unis sont le pays riche qui perçoit le moins d’impôt de ses citoyens, toutes formes confondues.

Les taxes à la consommation, qui ont le mérite de moins nuire à l’économie et de cibler les mieux nantis, sont aussi moins utilisées aux États-Unis que dans les autres pays de l’OCDE. Elles représentent 16,6 % des revenus de taxation aux États-Unis, comparativement à une moyenne de 32,1 % dans les pays industrialisés.

Les Américains sont allergiques aux taxes et aux impôts et il ne faut pas compter sur les élus républicains pour accepter une augmentation de ceux-ci, même pour réduire le déficit. Et même si ça devient gênant quand de plus en plus d’ultrariches se mettent à réclamer une telle augmentation.

Entre réduction des dépenses et augmentation des impôts, la voie mitoyenne a toujours existé, mais elle sera probablement encore ignorée cette fois-ci. Jusqu’à une prochaine crise qui, un jour ou l’autre, sera assez grave pour débloquer ce cul-de-sac.