Les ventes des fabricants n'ont jamais retrouvé leur niveau d'avant la récession, lequel était déjà loin de celui des débuts du millénaire quand notre monnaie était nettement sous-évaluée par rapport au billet vert américain.

Les chiffres d'août, qui paraîtront demain, vont confirmer cette tendance, si on se fie à la détérioration de la balance commerciale pour le même mois.

En fait, si on exclut l'énergie, août a marqué le pire solde commercial à ce jour, selon les calculs de la Banque Nationale.

La belle performance apparente du début du siècle reposait sur un avantage artificiel qui a créé chez beaucoup de fabricants le réflexe fâcheux de trop peu investir en machinerie et en équipement informatique de toute sorte. Plus la valeur du huard baissait, plus nos exportations rapportaient lorsqu'elles étaient converties en dollars canadiens pour le même volume d'exportations, mais plus se rééquiper coûtait cher.

Encore aujourd'hui, notre monnaie se négocie à un taux de change favorable à l'importation de biens destinés à moderniser la production et à réduire les coûts unitaires de main-d'oeuvre, même si on s'éloigne doucement de la parité. Pourtant, la valeur de ces biens importés, qui donne un bel aperçu des investissements des entreprises, progresse bien lentement. En un an, celle des pièces électriques et électroniques a augmenté de 3,9% seulement, malgré le rattrapage nécessaire, et celle des machines, d'un anémique 0,3%, selon les données de Statistique Canada.

La mouture d'automne de l'Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada révèle que les sociétés hésitent à investir devant l'incertitude politique chez nos voisins (et clients) du Sud.

Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner si les ventes des manufacturiers, dont la moitié de la clientèle est hors frontières, avaient reculé de 4,4% depuis un an, en août.

Celles du Québec stagnent. Cela peut sembler mieux, mais c'est une mince consolation puisque le Canada est exportateur net d'énergie, alors que le pétrole représente le principal élément importé par sa société distincte.

Les manufacturiers québécois, qui ont réduit de 27 000 personnes leur effectif en un an (contre 72 700 pour l'ensemble du Canada), n'arrivent pas à retrouver leurs débouchés d'antan.

Le constat est celui du gouvernement péquiste qui a fait de l'amélioration de la performance des usines et de la stimulation des exportations deux axes stratégiques de sa politique économique publiée la semaine dernière.

Il s'agit de mesures bien timides cependant: 708 millions d'ici 2017 pour rendre les entreprises plus performantes, surtout les petites et moyennes, et 82 millions pour stimuler les exportations.

Encore une trop grande proportion de nos ventes à l'étranger prend le chemin des États-Unis. La moyenne canadienne frôle les 80%, poussée par les livraisons manufacturières de l'Ontario et d'énergie des Prairies. Celles du Québec prennent des chemins un peu plus diversifiés, mais la part du lion va aux États-Unis.

Or, la reprise est molle chez l'Oncle Sam et pourrait le demeurer tout au long du présent cycle, tellement la crise financière y a laissé des stigmates.

Au printemps, la Fondation Asie-Pacifique avait publié un sondage qui montrait que le Canada s'activait assez peu, somme toute, à augmenter sa part de marché en Asie, là où la croissance est désormais plus dynamique qu'aux États-Unis ou en Europe. Le Québec paraissait même en deçà de la moyenne canadienne.

Le défi est de taille puisque l'Asie achète des ressources, alors que les trois cinquièmes des exportations canadiennes sont des biens manufacturés.

Le Canada a pris un énorme retard dans la quête d'accords internationaux de libre-échange, avec l'Asie en particulier. On peut saluer sa participation aux négociations du Partenariat transpacifique (avec l'Australie, Brunéi, le Chili, les États-Unis, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam). Il négocie un traité de libre-échange sur les services avec la Chine et sur les biens avec la Corée du Sud, Singapour, le Japon et l'Inde, sans oublier celui avec l'Union européenne. Il n'en a toutefois conclu aucun, contre quatre pour l'Australie et trois pour les États-Unis.

Dans ces conditions, les efforts de Québec sont peut-être à la hauteur de ses moyens, qui sont toutefois fort modestes.