Bell a promis de garder la direction d'Astral au Québec, mais ce n'est pas suffisant pour le gouvernement élu du Parti québécois, qui parlait en campagne électorale d'adopter une loi ou de recourir aux tribunaux pour annuler la transaction. «Nous allons mener une bataille de tous les instants [...] visant à empêcher cette prise de contrôle sur nos moyens de diffusion par Toronto», a indiqué le député péquiste Maka Kotto par voie de communiqué lors de la campagne électorale.

Le PQ peut-il mettre sa menace à exécution et bloquer la transaction par une loi privée? Les experts sont divisés sur la question. «Il n'y a pas de jurisprudence claire, mais un tel projet de loi aurait 75% de chances d'être valide, dit Jean Leclair, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Montréal. La loi vise à bloquer une transaction commerciale mais n'empêche pas Astral d'opérer dans un champ de compétence fédéral.» Son collègue Me Frédéric Bérard, qui enseigne aussi le droit constitutionnel à l'Université de Montréal, n'est pas du même avis. «Le gouvernement du Québec n'a pas le pouvoir de bloquer cette transaction, la télé et la radio étant un domaine de juridiction fédérale. Toute loi en ce sens risque vraisemblablement d'être déclarée inopérante», dit-il.

Le gouvernement du Québec a déjà bloqué l'achat de journaux - des médias qui ne sont pas de compétence fédérale -, mais le PQ ne se rappelle pas d'un exemple où un gouvernement provincial a annulé la vente de stations de télé par loi privée.

Au-delà des débats constitutionnels, des concurrents comme Cogeco s'inquiètent de la perte d'un siège social au Québec. Bell a promis de garder la direction d'Astral au Québec, mais Astral se rapportera tout de même à Bell Media, dont le siège social est à Toronto. «Regardez ce qui est arrivé aux fleurons québécois qui ont été achetés par d'autres: les sièges sociaux sont devenus des coquilles vides. Combien y a-t-il de dirigeants de Bell à Montréal [où est situé son siège social]?», demande Louis Audet. La réponse: deux sur douze, contre neuf à Toronto (dont le PDG George Cope) et un à Ottawa. Par contre, 40% des vice-présidents de Bell sont installés à Montréal, soit 46 des 115 vice-présidents de l'entreprise.