L'éditeur endetté des annuaires Pages Jaunes (T.YLO) menace de recourir à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) si jamais son opération de restructuration du capital fort controversée échoue au cours des prochains jours.

Le conseil d'administration de Yellow Média a amendé en ce sens la résolution qui sera soumise au vote à la fois des créanciers et des actionnaires de l'entreprise à l'occasion d'assemblées spéciales qui ont déjà été convoquées pour le 6 septembre prochain, au Palais des congrès à Montréal.

Au cours d'une conférence téléphonique d'analystes qui a duré moins de neuf minutes hier, et durant laquelle aucune question n'était acceptée, Marc Tellier, président et chef de la direction de Yellow Média, a insisté sur l'urgence du moment et le caractère équitable du plan à l'égard des créanciers de second rang.

«Ne pas rééquilibrer notre bilan immédiatement aura des effets désastreux pour la valeur de l'entreprise et nuira aux activités quotidiennes de la société», a-t-il déclaré.

L'éditeur des Pages Jaunes fait face à la décroissance rapide de ses activités traditionnelles d'annuaires téléphoniques imprimés. La société a entrepris d'offrir ses services de solutions média et marketing de façon numérique, mais la hausse des revenus en provenance du web ne compense pas la perte des ventes dans l'imprimé.

Cette tentative de virage chez Yellow Média survient au moment où sa dette de 2 milliards est trop élevée. Près de la moitié de celle-ci vient à échéance d'ici 18 mois, ce qui constitue un risque de refinancement. Ses titres de dettes s'échangent à 55 cents dans le dollar ces jours-ci sur le marché secondaire.

Dans sa conférence avec les analystes, M. Tellier a souligné que le comité de financement, le conseil et les conseillers financiers de Yellow Média ont étudié toutes les avenues possibles et qu'aucune solution de remplacement n'est aussi favorable à la société et à ses parties intéressées que le plan proposé.

«On considère que le plan offre aux créanciers subordonnés la plus grande valeur à long terme. Ils obtiendront 17,5% des nouvelles actions plus des bons de souscription. On me dit que c'est sans précédent dans l'histoire récente.»

Selon l'amendement proposé, Yellow Média a le loisir de présenter un plan de remplacement en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers si jamais la restructuration proposée se révèlait impossible à réaliser. Une assemblée sera appelée à se prononcer sur ce plan de remplacement, dans les sept jours suivant la publication des documents officiels déposés par l'entreprise auprès des autorités boursières.

Cette menace semble viser les deux groupes de créanciers de Yellow Média qui contestent devant les tribunaux le plan de restructuration de capital proposé par Marc Tellier et ses adjoints à haute-direction.

En détail, le plan prévoit l'échange de 1,8 milliard de dollars de vieilles dettes contre 850 millions de nouvelles dettes, 82,5% des nouvelles actions de Yellow et 250 millions en argent. Quant aux porteurs de débentures convertibles, d'actions privilégiées et d'actions ordinaires, ils obtiendraient 17,5% des nouvelles actions et des bons de souscription représentant 10% des actions.

Au terme de sa restructuration, la dette de Yellow Média sera réduite de 1,5 milliard de dollars, en tenant compte des actions privilégiées qui seront annulées. Aucune dette n'arrivera à échéance avant 2018 et la charge d'intérêt sera réduite de 45 millions par année.

Restructuration contestée

Un premier groupe de créanciers représentant certains des détenteurs de débentures subordonnées non garanties convertibles à 6,25% veut que la société retire son plan parce qu'il l'estime injuste. Il souhaite qu'elle engage un processus de consultation. Ce groupe a indiqué qu'il allait voter contre le plan proposé à l'assemblée du 6 septembre.

Le second groupe de contestataires est formé des banquiers de Yellow Média, représentés par les avocats McMillan. Ils ont demandé la semaine dernière à l'entreprise de retirer son projet et de négocier avec eux à la place.

Selon les banquiers, le plan peut être bonifié d'autant qu'il n'y a pas urgence, la société montrant des flux financiers en croissance au deuxième trimestre 2012. Ce groupe représente les six grandes banques canadiennes et la Caisse centrale Desjardins. Celles-ci soutiennent que Yellow Média leur doit 369 millions en plus des intérêts en date du 28 septembre.

De plus, ces banques ont entrepris des démarches juridiques pour que le tribunal déclare que l'accord de crédit conclu avec Yellow Média ne constitue pas une «valeur», au sens de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Le juge entendra les parties le 10 septembre.