En ces temps de déprime en Europe et d'incertitude croissante au sujet des économies émergentes, les nantis de la planète sont de plus en plus courtisés par certains pays qui leur offrent un refuge contre la crise.

Avec une économie toujours florissante, presque aguichante, l'Australie ne cache pas son jeu: avec une nouvelle politique dévoilée en grande pompe il y a quelques jours, la grande île «down under» ouvre grande la porte aux investisseurs étrangers fortunés.

Les gens prêts à investir en Australie plus de 5 millions de dollars australiens (4,8 millions CAN), recevront en échange un visa permanent et un droit de résidence.

«Nous devons nous montrer attractifs pour les gens qui veulent innover, qui parient sur l'Australie», a dit le ministre australien de l'immigration, Chris Bowen. Les Asiatiques sont évidemment les premiers visés. Quelque 7000 étrangers fortunés devraient se montrer intéressés cette année par ce programme qui entrera en vigueur en juillet.

Or, à l'instar de 20 pays - dont le Canada - qui ont aussi un programme d'immigrant-investisseur, les États-Unis sont aussi en campagne de séduction auprès des grandes fortunes à qui ils font les yeux doux. Et ça marche.

Des «milliers» d'étrangers aux portes

Selon Washington, «des milliers» d'étrangers font la file ces temps-ci pour obtenir un visa d'investisseur. Le gouvernement américain prévoit émettre quelque 6000 de ces précieux documents cette année - un record.

Qui plus est, on atteindra plus vite que prévu la limite fixée par le gouvernement, soit 10 000 visas par an, dès l'an prochain ou en 2014.

Qui d'autre que les Américains, dont les racines multiculturelles sont profondes, peut saisir mieux l'importance d'attirer l'argent et/ou le talent étrangers.

Steve Jobs d'Apple, Sergey Brin de Google, Pierre Omidyar d'eBay ou Jerry Yang de Yahoo! ... Ces fondateurs de certaines des plus grandes sociétés américaines ont un point en commun: à l'instar de 41% des dirigeants des entreprises de l'indice S&P 500 de la Bourse de New York, ils sont tous immigrés ou enfants d'immigrés, indique une étude du Partnership for a New American Economy, un organisme établi à Washington.

En début d'année, le président Barack Obama a fait de l'investissement étranger une pièce maîtresse de sa stratégie économique. Lors d'un discours devant les employés de Facebook, en février, il déclarait que «nous voulons plus d'Andy Grove ici, aux États-Unis», une référence au fondateur d'Intel, d'origine hongroise.

En vertu du programme EB-5, les étrangers peuvent obtenir, sous certaines conditions, un visa qui leur permet de vivre, de travailler et d'étudier aux États-Unis.

Pour être admis, il faut investir au moins 1 million US dans une nouvelle ou une jeune entreprise, somme qui est réduite à 500 000$US pour certaines régions défavorisées. (Au Canada et au Québec, l'investissement minimum a été fixé à 800 000$ et diverses autres conditions s'appliquent. Ottawa songe cependant à resserrer ses critères).

Selon le réseau CNN, les demandes «explosent» depuis quelques mois même si le programme EB-5 existe depuis 1990. Et les Américains le font savoir sur le web. Les «nouveaux riches» venus de Chine, qui ont formulé 70% des 3500 demandes l'an dernier, sont encore nombreux à frapper aux portes de l'Amérique. Soulignons que l'Irlande a aussi lancé récemment une campagne pour attirer les immigrants-investisseurs.

Un vivier de millionnaires

L'Asie, faut-il le rappeler, est un vivier de grosses fortunes. Une étude du cabinet McKinsey a dénombré 3,3 millions «de millionnaires» en Chine et en Inde, contre 3,1 millions en Europe et 3,4 millions en Amérique du Nord.

Selon la Boston Consulting Group, les avoirs des plus fortunés croîtront annuellement de 4% à 5% pour atteindre, au total, 150 000 milliards US d'ici la fin 2016. Autrement dit, le «marché des riches» est en croissance et les campagnes de séduction auprès des nantis sont des gestes calculés.

Outre la débâcle européenne, le Brésil, la Chine et l'Inde ont montré des signes de ralentissement inquiétants ces derniers mois. Tout cela laisse croire que les grandes fortunes voudront alors diversifier leurs risques et dénicher des refuges.

Signe des temps, même les Français reluquent l'Amérique de Barack Obama.

Depuis l'élection du socialiste François Hollande à la présidence, qui a promis d'augmenter les impôts des privilégiés dans l'Hexagone, les Français fortunés sont de plus en plus nombreux à s'intéresser à l'immobilier à New York et à Miami.

Le quotidien Le Figaro cite des courtiers américains qui ont reçu depuis un mois de nombreux appels: les Français demandent de visiter des logements...

Napoléon avait raison: l'argent n'a pas de patrie.

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Où sont les millionaires?

> 3,3 millions en Chine et en Inde

> 3,1 millions en Europe

> 3,4 millions en Amérique du Nord

Source: McKinsey