Comme l'économie canadienne progresse un peu plus vite qu'elle ne l'avait prévue en janvier, la Banque du Canada prépare le terrain à une hausse à venir des taux d'intérêt.

«Dans un contexte de capacités excédentaires moindres au sein de l'économie et d'inflation sous-jacente plus élevée, il se peut qu'une réduction modeste de la détente monétaire considérable actuellement en place au Canada devienne appropriée de façon à atteindre la cible d'inflation de 2% à moyen terme», lit-on dans son communiqué publié hier matin. Elle y annonce cependant la reconduction à 1% du taux cible de financement à un jour, en place depuis le 1er septembre 2010.

Il s'agit néanmoins d'un net changement de ton. Jusqu'ici, la Banque ne donnait aucun indice, au point où plusieurs ont spéculé tout l'automne sur une baisse probable des taux.

Les prévisionnistes du secteur financier devront revoir leurs scénarios, car la grande majorité d'entre eux s'attendaient à un premier relèvement en 2013 seulement.

Le changement de perspectives a propulsé le huard qui a gagné plus d'un cent contre le billet vert quelques minutes après l'annonce.

Les taux d'intérêt obligataires à court terme ont aussi grimpé, un parieur sur deux tablant désormais sur une première hausse de taux en deux ans en octobre ou décembre.

Nos autorités monétaires s'attendent désormais à une expansion de 2,4% de l'économie canadienne cette année et l'an prochain. Dans leur scénario de janvier, elles pronostiquaient une expansion de 2,0% cette année, mais de 2,8% en 2013.

Cette dernière prévision paraissait très forte, étant donné la morsure fiscale qui ralentira la croissance américaine l'an prochain.

L'économie canadienne tournera à plein régime au cours du premier semestre prochain, soit au moins un trimestre plus tôt que prévu en janvier. D'ici là, la Banque devra avoir normalisé son taux directeur, soit aux environs de 2% d'ici un an.

Comme il existe un décalage de 6 à 12 mois entre un changement de taux et son effet dans l'économie réelle, le resserrement devra commencer bien avant. C'est un pensez-y-bien pour ceux qui jonglent ces jours-ci avec l'idée de fixer leur prêt hypothécaire pour profiter des taux encore faibles sur l'échéance de 5 et de 10 ans.

«Une première hausse est maintenant envisageable d'ici un an, avance prudemment Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Il faudrait que tout se déroule pour le mieux sur la scène internationale pour que le taux augmente avant la fin de 2012.»

L'an dernier à pareille date, la Banque avait commencé à préparer le terrain à une normalisation de son taux. Elle avait dû s'en tenir au statu quo par la suite, étant donné le passage à vide de l'économie canadienne au deuxième trimestre, de la crise politique américaine sur le relèvement du plafond de la dette et de l'aggravation de la crise de la dette souveraine européenne.

Bien que l'économie espagnole montre des signes inquiétants depuis le début du mois, la Banque croit que «l'Europe émergera lentement de la récession au deuxième semestre».

Comme pour lui donner raison, le Fonds monétaire international (FMI) a légèrement relevé hier ses perspectives pour l'économie mondiale, faisant passer de 3,3% à 3,5% sa projection de croissance cette année et à 4,1% celle pour 2013.

«Dans l'ensemble, l'économie canadienne fait preuve d'un dynamisme un peu plus grand que la Banque ne l'anticipait en janvier, lit-on également. Les vents contraires extérieurs auxquels est confronté le Canada se sont quelque peu apaisés, la reprise aux États-Unis s'étant révélée plus résiliente, et les conditions financières plus avantageuses.»

L'expansion canadienne reposera avant tout sur la demande intérieure privée. Les investissements des entreprises devraient demeurer robustes tandis que la consommation des ménages aura pour effet de gonfler davantage leur endettement «qui demeure le principal risque interne» et qui milite pour un relèvement du loyer de l'argent.

Les exportations seront de peu de secours, comme en font foi les deux reculs d'affilée de la production manufacturière, en janvier et février, nous apprenait hier Statistique Canada.

Au Québec cependant, l'activité en usine a rebondi en février de 306,5 millions, à 11,8 milliards de dollars.

«Les ventes de biens fabriqués sont sur le point de rejoindre les niveaux observés avant la crise de 2008», fait observer Audrey Azoulay, directrice de la recherche et des relations gouvernementales chez les Manufacturiers et Exportateurs du Québec.