S'agit-il d'une embellie ou d'un réel raffermissement de la production, susceptible de relancer l'expansion nord-américaine, d'alléger la récession européenne et de permettre à la Chine d'attiédir en douce sa récente surchauffe?

Les données parues hier sur trois continents montrent que la production de biens était en légère expansion au tournant de l'année. Il n'en fallait pas plus pour faire remonter le huard au-dessus de la parité face au billet vert pour la première fois en plus de trois mois (à 100,9 cents US) et pour pousser les grands indices boursiers nord-américains et européens (voir page 13).

Les intervenants sur les marchés attendaient avec crainte la publication de l'indice des décideurs d'achat (PMI) chinois qui, après plusieurs baisses d'affilée, s'était dangereusement rapproché de la barre névralgique de 50. De décembre à janvier, il est plutôt passé de 50,3 à 50,5.

En Europe, cette même mesure était sous la barre des 50 qui délimite là-bas le seuil de croissance. Elle s'en est toutefois rapprochée un peu à 48,8. Ce chiffre camoufle cependant d'importantes divergences parmi les 27 pays membres de l'Union.

Si la production manufacturière restait en contraction en Espagne, en France et en Italie, celle de l'Allemagne est restée en expansion. Mieux, la Suède et, plus étonnant, le Royaume-Uni sont de retour en mode croissance pour la production en usine.

Au royaume de Sa Gracieuse Majesté, reine du Canada, ce bond inattendu met fin à trois mois de contraction. Il sème l'espoir que la troisième économie d'Europe échappe à une récession technique. Au quatrième trimestre, sa taille s'est amincie de 0,2%, purgée par la plongée de 0,9% du secteur manufacturier.

De ce côté-ci de l'Atlantique, le PMI manufacturier canadien mesuré par RBC indique une décélération marquée. De décembre à janvier, l'indice est passé de 54,0 à 50,6. Plus cet indice se rapproche de la barre, moins les conditions de la production de biens s'améliorent, et vice-versa.

La baisse de janvier «reflète la détérioration marquée de trois composantes de l'indice; l'emploi, les nouvelles commandes et la production», note Paul Ferley, économiste en chef adjoint chez RBC.

Optimisme en légère hausse

Un autre signal reflète aussi un optimisme modéré au sein des entreprises. Le baromètre de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante s'est fixé à 65,2 en janvier, soit deux dixièmes plus élevé qu'en décembre. Bien que modeste, il s'agit du cinquième gain mensuel d'affilée. C'est toutefois encore loin des 73,3 franchis il y a un an. On croyait que l'économie américaine avait le vent en poupe alors qu'elle décélérait rapidement.

«Avec des perspectives modestes de croissance à court terme et plusieurs risques à l'échelle internationale à l'horizon, il faut s'attendre à ce que la confiance des gens d'affaires reste stable cette année», estime Sonya Gulati, économiste chez TD.

Stable, mais assez solide, si les données américaines comme celles publiées hier devaient se multiplier.

La production manufacturière américaine, mesurée par l'indice ISM (Institute for Supply Management), a crû à son rythme le plus rapide en sept mois. À 54,1, l'indice reflète une augmentation des nouvelles commandes tant pour le marché intérieur que pour l'exportation. «Depuis son récent creux de 51,4 obtenu en juillet, l'ISM a gagné 2,7 points, note Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins. C'est encourageant sans être extraordinaire.»

C'est suffisant toutefois pour parier que la production en usines sera la locomotive de l'économie américaine cette année.

Entre-temps, investisseurs et spéculateurs remettent de leurs billes en Bourse. Mine de rien, le maître indice S&P 500 est en hausse de 20% depuis son creux d'octobre. «Il a regagné toutes ses pertes accumulées dans la foulée de la crise de la dette souveraine et du psychodrame entourant la décote de la dette américaine», fait remarquer Robert Kavcic, économiste chez BMO Marchés des capitaux.