Même si V a renoué avec les profits, la chaîne de télé généraliste québécoise ne veut pas davantage de nouvelles à son antenne. Une stratégie qui dérange certains membres du CRTC, qui se penchent cette semaine sur les conditions de licence de V et des autres chaînes de télé francophones.

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«Vous savez que les nouvelles locales préoccupent le CRTC, mais vous n'avez fait aucun effort pour redresser la situation», a dit le vice-président de la radiodiffusion du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), Tom Pentefountas, aux dirigeants de V. «J'ai fait les efforts en investissant de l'argent de ma poche dans une entreprise en difficulté et en créant des emplois», a répondu Maxime Rémillard, coprésident et chef de la direction de V Interactions.

En 2008, TQS, alors achetée en faillite par les frères Rémillard, a perdu 18 millions de dollars. Après avoir perdu 5 millions en deux ans, V a généré des profits de 3 millions l'an dernier et prévoit faire des profits de 3 millions par année jusqu'en 2015. Avec l'amélioration des finances de V, le CRTC aimerait clairement voir davantage de nouvelles à son antenne. «Vous êtes le radiodiffuseur le plus subventionné pour les nouvelles, dénonce le conseiller du CRTC Michel Morin. Les deux tiers de vos nouvelles sont subventionnées par le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale.»

V dépense actuellement 2,9 millions de dollars pour produire des nouvelles, soit 6% de son budget de programmation. Les chaînes généralistes canadiennes consacrent en moyenne 21% de ses budgets de programmation aux nouvelles. En 2008, TQS consacrait 18 millions aux nouvelles, soit 28% de son budget.

En 2008, le CRTC a acquiescé à la demande des frères Rémillard de réduire leurs obligations de programmation locale et de nouvelles. V doit produire 15 heures de programmation locale par semaine à Montréal, 10 heures à Québec et 1,5 heure à Saguenay, Sherbrooke et Trois-Rivières. Parmi sa programmation locale, V doit produire deux heures de nouvelles locales par semaine à Montréal et Québec ainsi qu'une heure en région. «On a fait une exception pour vous comme on n'en avait jamais fait», dit le conseiller du CRTC Michel Morin, ancien journaliste de Radio-Canada.

Malgré le ton houleux du débat, V reste catégorique: pas question de remettre des nouvelles à l'antenne à l'heure du retour à la maison la semaine, d'autant plus que les parts de marché des émissions familiales de son «5 à 7» sont passées de 4,1% en 2008-2009 à 17,4% à l'automne 2011.

Période de révision

La licence de V est valide jusqu'en 2015, mais le CRTC peut actuellement en réviser les conditions en même temps que celles des chaînes de TVA, Astral et Évasion. Lors des audiences tenues hier matin à Québec, le CRTC s'est demandé si V n'était pas devenu une chaîne spécialisée avec une licence de chaîne généraliste. «Pas du tout, répond Maxime Rémillard. Nous avons voulu adopter une stratégie de contre-programmation, mais tout en restant une télé traditionnelle.»

Le syndicat des anciens employés de TQS à Québec veut que le CRTC serre la vis à V. «Le CRTC a fait la promesse aux gens de Québec qu'il y aurait plus de nouvelles si la rentabilité était au rendez-vous et elle est maintenant au rendez-vous, dit Annick Desjardins, conseillère du Syndicat canadien de la fonction publique, qui représente les anciens employés de TQS-Québec. En plus, V ne respecte pas ses conditions de licence. V ne diffuse pas de nouvelles locales en région, mais seulement des nouvelles générales. Selon nos calculs, il n'y a eu que 68 minutes de véritables nouvelles locales à Québec au cours du dernier mois (il faut deux heures par semaine).»

TVA veut aussi la fin des privilèges réglementaires de V. «La situation de V qui lui a valu des allégements réglementaires n'est plus d'actualité», dit Pierre Dion, président et chef de la direction du Groupe TVA, qui propose un seuil minimal de 75% du budget de programmation aux émissions canadiennes. V y a consacré 84% de son budget de programmation en 2009, 73% en 2010 et 80% en 2011.