TVA demande au CRTC de réduire la part de son budget pour les émissions canadiennes, qui ne devront plus nécessairement être diffusées aux heures de grande écoute.

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«Nous avons réussi à garder tous nos soirs sauf le samedi pour du contenu québécois. Nous serons dans une situation très fragile pour les cinq prochaines années. Il se peut que je doive prendre des décisions importantes», a dit Pierre Dion, président et chef de direction du Groupe TVA, hier à Québec au cours des audiences sur le renouvellement des licences du Groupe TVA par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

TVA dépense actuellement 86% de son budget de programmation en émissions canadiennes. Le réseau s'engagerait à respecter un seuil minimal de 75% si le CRTC abolissait les règles de diffusion des émissions canadiennes aux heures de grande écoute. «Nous jouerions probablement entre 75% et 85%. C'est dans notre intérêt de faire le plus de contenu canadien possible, car les Québécois aiment ça. Une décroissance de la télé généraliste est inévitable et il va devenir excessivement difficile sinon impossible pour Groupe TVA de maintenir son niveau actuel», dit Pierre Dion. Depuis quatre ans, TVA a consacré entre 78% et 86% de son budget de programmation aux émissions canadiennes.

Qui a peur de Netflix?

En plus de la popularité croissante des chaînes spécialisées, TVA s'inquiète de l'arrivée au Québec de distributeurs non réglementés sur internet comme Netflix, qui compte un million d'abonnés au pays. «Je vire un peu fou, a confié Pierre Dion. Mes deux filles de 18 ans et 19 ans font des soirées Netflix à la maison au lieu d'écouter les chaînes généralistes.»

Le vice-président du CRTC, Tom Pentefountas, ne partage pas les craintes de TVA. «Vous ne pensez pas que vous poussez un peu fort? Je trouve ça intéressant qu'une entreprise de la force de Quebecor ait si peur de fantômes anticipés comme Netflix.» Malgré le scepticisme des autorités réglementaires, Pierre Dion persiste et signe. «C'est clair que, d'ici cinq ans, Netflix va être implanté au Québec, dit-il. On demande au CRTC de nous enlever nos menottes.»

En 2012, Netflix a prévu doubler ses dépenses d'acquisition au Canada. Malgré tout, son contenu offert au Canada n'égalera pas son contenu disponible aux États-Unis, où l'entreprise compte 21 millions d'abonnés. Netflix Canada, qui compte un peu plus du tiers du contenu disponible aux États-Unis, pourrait bientôt offrir des séries comme Dexteret Numb3rs.

En plus d'un nouveau seuil de 75% de son budget pour les émissions canadiennes, TVA demande au CRTC d'abolir les règles l'obligeant à diffuser huit heures d'émissions canadiennes par semaine aux heures de grande écoute, dont six heures de productions indépendantes. «En nombre d'heures, les gens ne verraient pas une grande différence, mais nous aurions une plus grande flexibilité sur nos budgets», dit Pierre Dion.

Le Groupe TVA fait valoir qu'il a perdu de l'argent au dernier trimestre, notamment en raison du lancement de ses chaînes spécialisées TVA Sports et Sun News. «Encore le portrait noir, a répondu Tom Pentefountas, vice-président de la radiodiffusion du CRTC. Heureusement qu'il n'y a pas d'actionnaires dans la salle!» S'il a insisté sur ses difficultés financières, le Groupe TVA n'a pas fait mention des redevances sur les revenus du câble qui pourraient bientôt venir garnir ses coffres si la Cour suprême avalise la décision du CRTC rendue en 2010.

La «ghettoïsation» d'Astral

Après TVA, ce fut au tour d'Astral Media de faire ses demandes au CRTC. L'entreprise montréalaise, qui fait la moitié de son chiffre d'affaires à la télé en anglais (The Movie Network, Family) et l'autre moitié en français (Canal D, VRAK.TV, Canal Vie), veut obtenir le même traitement réglementaire que les groupes de diffusion anglophones comme Bell Média, Shaw Média et Rogers Média, qui doivent consacrer 30% de leurs revenus aux émissions canadiennes. TVA ne veut pas être réglementé comme un groupe de diffusion.

«Le bilinguisme est dans nos gènes et ce serait discriminatoire [de refuser la demande d'Astra]. Si vous refusez, ça va engendrer une situation qui ne sera pas équitable. Ça va ghettoïser Astral», dit Jacques Parisien, vice-président directeur et chef de l'exploitation d'Astral Media.

Astral propose au CRTC de hausser de 28,6 à 30% la part de ses revenus investie dans des émissions produites au Canada. En contrepartie, Astral pourrait réduire de 5% le nombre d'heures de programmation canadienne sur ses chaînes et calculerait ses dépenses de programmation canadienne sur l'ensemble de ses chaînes.