La Banque de Montréal poursuit pour des pertes de plus de 3,3 millions un cabinet de comptables montréalais à qui elle reproche d'avoir réalisé des états financiers inadéquats pour une firme cliente qui a fait faillite et à laquelle un des comptables est lié par ses relations familiales.

Selon la requête déposée à la mi-octobre par la banque, dont La Presse Affaires a pris connaissance, un des professionnels poursuivis, Robert Hecht, de la société Hecht Heft Lamoureux (HHL), est le gendre du fondateur de Famous Neckwear Manufacturing, Harry Karpman, et le beau-frère de l'actuel directeur de la société, Neal Reinblatt.

Famous a fait faillite en mars dernier, un peu plus d'un an après avoir reçu des prêts totalisant 3,3 millions que la banque dit avoir consentis sur la foi des documents financiers préparés par HHL.

L'institution soutient que le cabinet ne pouvait pas ne pas connaître la difficile situation financière de Famous lorsqu'il a réalisé les états financiers vérifiés de 2008 et 2009 de la société, qu'il a été négligent et qu'il n'avait pas l'indépendance nécessaire, vu les liens familiaux de Robert Hecht, pour donner une opinion éclairée sur les affaires de Famous.

«Le manque d'indépendance de HHL, particulièrement de Hecht, constitue une violation claire de son obligation de réaliser une vérification avec un état d'esprit objectif...», écrivent les représentants de la banque, Fishman Flanz Meland Paquin.

Dans sa poursuite, l'institution financière explique que les états financiers 2008 et 2009 de Famous la dépeignent comme une entreprise «en croissance et rentable». D'après ceux-ci, la société, qui fait dans la confection et l'importation de vêtements pour homme, a généré des ventes de 8,7 millions et un bénéfice brut de 2,3 millions en 2008, et de 9,2 millions et 2,2 millions, respectivement, pour 2009.

«Cependant, ce portrait financier positif était totalement inexact, soutient la Banque de Montréal. Famous n'était pas une entreprise solvable et rentable, mais a plutôt artificiellement gonflé la valeur de ses comptes client et de son inventaire pour donner faussement l'apparence qu'elle l'était».

Dans les faits, et HHL ne pouvait l'ignorer, «Famous était en sérieuses difficultés financières» bien avant d'approcher la Banque de Montréal pour obtenir du financement, soutient cette dernière.

En avril 2009, le prêteur précédent de Famous, la CIBC, a fait part à l'entreprise de ses préoccupations au sujet de «la détérioration de sa situation financière», dit la poursuite.

En août de la même année, la CIBC a envoyé à Famous une lettre lui demandant de se trouver un nouveau prêteur au plus tard le 30 novembre et la prévenant du resserrement de ses conditions de prêt, ajoute le document.

«Au milieu de 2009, Famous éprouvait de sérieuses difficultés financières et Reinblatt (Neal) essayait de camoufler la situation», avance l'action.

La banque soutient que HHL a avancé dans des documents pour les années 2008 et 2009 que rien n'indiquait que Famous ne serait pas en mesure de poursuivre ses activités.

«Pourtant, Hecht (Robert) savait apparemment dès avril 2009 que la CIBC avait exprimé des inquiétudes au sujet de l'entreprise... (et il) savait très bien avant la vérification de 2009 faite au début 2010 que la CIBC avait formellement rappelé ses prêts...».

Si les états financiers vérifiés de 2008 et 2009 avaient présenté «la vraie situation financière de Famous, la banque n'aurait jamais consenti de prêts ou d'avances à Famous» et n'aurait pas continué à le faire par la suite, soutient la poursuite.

La Presse Affaires a tenté de joindre Robert Hecht, mais ce dernier a décliné notre demande d'entretien. Jointe par la suite, l'avocate de HHL, Caroline Biron, a indiqué que ses clients contestent les allégations de la poursuite.