En lançant des services concurrents d'abonnement clé en main destinés aux médias traditionnels et numériques, Apple (AAPL) et Google (GOOG) espèrent les aider à renforcer la rentabilité chancelante de leur présence sur l'internet. Leur stratégie ne convainc toutefois pas les grands éditeurs. Les développeurs d'applications mobiles, eux, y voient un potentiel d'affaires prometteur.

Dévoilant la plateforme One Pass, hier à Berlin, Eric Schmidt, chef de la direction de Google, n'a pas manqué de souligner la présence à ses côtés de trois des sept premiers clients de cette nouvelle solution de paiement en ligne. Leur message: malgré sa position dominante dans la mobilité informatique, Apple n'est pas l'unique solution.

Lancé dans huit pays, dont le Canada, One Pass «permet aux éditeurs de bâtir une solution de paiement sur mesure, par abonnement, par accès gratuit limité ou à la pièce, pour sites web et applications mobiles. Ils peuvent offrir un accès gratuit à leurs abonnés traditionnels. On se charge du reste», a dit M. Schmidt. Pour sa peine, Google perçoit 10% du montant de chaque transaction.

Cette annonce survient 24 heures après celle d'Apple, qui a présenté lundi un service similaire de paiement pour iPhone, iPad et autres iPod touch. Apple propose aux créateurs d'utiliser l'infrastructure de paiement de sa boutique iTunes afin de vendre par abonnement, directement dans l'application, leurs produits et services. La société de Cupertino empoche 30% du montant de ces transactions.

Apple laisse par ailleurs l'utilisateur décider s'il confie ou non ses coordonnées au créateur de l'application. One Pass les transmettra automatiquement.

Les éditeurs pas convaincus, les développeurs intrigués

Aussi attrayantes semblent-elles, ces solutions ne convaincront pas les grands éditeurs québécois de magazines, estime David Clerk, éditeur de la revue Protégez-Vous, et vice-président de l'Association québécoise des éditeurs de magazines (AQEM). «Je vois mal un grand éditeur confier la gestion de sa liste d'abonnés à un tiers. Ce sont des outils qui peuvent être plus utiles pour de petits éditeurs, ou des publications dont la marque de commerce n'est pas très forte.»

C'est qu'au-delà des revenus générés par chaque abonnement, l'information obtenue des abonnés est précieuse pour les éditeurs, à des fins promotionnelles ou pour générer des revenus additionnels, grâce à des partenariats avec des annonceurs. Insérer un intermédiaire comme Apple ou Google entre eux et leur clientèle n'est pas près de leur plaire, croit M. Clerk, surtout qu'ils perçoivent en plus une part de chaque transaction effectuée sur leurs services.

Cette redevance est un enjeu pour l'ensemble du marché des applications mobiles, la vente de contenu additionnel dans des jeux vidéo, un accès à des services musicaux évolués ou même de la vidéo sur demande étant chose courante, et payante, pour les développeurs.

«Apple et Google pourraient déclencher une guerre de prix, car le gros des revenus tirés des applications mobiles provient du contenu additionnel qui y est vendu», constate Martin Dufort, cofondateur de WhereCloud, spécialisée dans la création d'applications mobiles. L'homme d'affaires montréalais estime que c'est la première manifestation d'une concurrence qui se transportera bientôt du côté du paiement mobile, une technologie qu'Apple et Google pourraient s'approprier avec leurs futurs nouveaux produits.

«Le consommateur veut une solution de paiement simple, et c'est ce qu'ils proposent. On voit un potentiel pour des projets à venir, mais pour ceux déjà existants, la question demeure: pourquoi leur payer une redevance pour du contenu qu'on possède et qui se trouve sur nos propres serveurs?»