L'éviction de l'ex-PDG de Hewlett-Packard (HP) Mark Hurd, n'en finit pas d'alimenter la polémique, les uns dénonçant quelques 40 millions de dollars que pourrait toucher M. Hurd, les autres une décision précipitée du conseil d'administration qui a fait chuter l'action.

L'affaire a traversé l'Atlantique et le syndicat CFTC de HP France a demandé lundi des explications sur la démission et les indemnités de départ «incompréhensibles» de l'ex-PDG du premier fabricant mondial d'ordinateurs, indiquant avoir saisi le comité d'entreprise européen à ce sujet.

M. Hurd a démissionné le 6 août de HP à la suite d'accusations de harcèlement sexuel, qui ont entraîné une enquête interne. Cette enquête n'a pas confirmé ces accusations mais a constaté que l'ex-PDG avait entretenu une relation «personnelle proche» avec une ex-prestataire du groupe, Jodie Fisher, qu'il aurait dû révéler.

En outre, le conseil d'administration (CA) a affirmé que M. Hurd avait falsifié des notes de frais pour dissimuler la nature de sa relation avec l'ex-sous-traitante, employée sur des événements organisés par HP pour ses gros clients.

«Pour de tels motifs n'importe quel employé aurait été licencié pour faute grave et poursuivi», ajoute la CFTC.

Selon un document remis aux autorités boursières américaines, M. Hurd a touché une indemnité de licenciement de 12 millions de dollars, plus 350 000 actions du groupe de prime de performance, ce qui au cours de clôture du 6 août, autour de 46 dollars, représentait 16 millions de dollars.

Il bénéficie en plus de l'extension jusqu'au 7 septembre d'options d'achat déjà acquises portant sur 775 000 actions de HP, dont la valeur n'est pas connue.

La chaîne financière CNBC a évalué le total des indemnités de départ de M. Hurd à plus de 40 millions de dollars, citant des sources proches du dossier. Des portes-paroles d'HP ont refusé de confirmer ces chiffres.

Les actionnaires commencent eux à faire entendre leur mécontentement alors que l'action du groupe a fondu de quelque 13% depuis le départ de Mark Hurd.

Un fonds de retraite du Massachusetts, le Brockton Contributory Retirement System, a porté plainte la semaine dernière contre le CA, y compris Mark Hurd, pour demander réparation de ses «manquements aux devoirs fiduciaires, de la mauvaise utilisation d'actifs d'entreprise et autres infractions» qui se sont traduits par «9 milliards de dollars de capitalisation boursière évaporée».

La plainte dénonce le fait que le conseil n'ait pas révélé «l'existence d'une enquête interne aux actionnaires», et n'ait pas «mis en place un plan de succession responsable» au sein de l'entreprise, et réfute le fait d'octroyer à M. Hurd «des dizaines de millions de dollars d'indemnités de départ auxquelles il n'avait pas droit».

Robert Enderle, un analyste de la Silicon Valley interrogé par l'AFP, remarque que le CA a probablement été obligé de lui donner «le bonus de départ pour qu'il accepte de partir à l'amiable plutôt que de porter l'affaire en Justice, ce qui aurait pu coûter beaucoup plus cher à l'entreprise».

Les experts du secteur s'étonnent aussi de l'éviction précipitée de celui qui avait «opéré un retournement spectaculaire du groupe et lui avait permis de traverser la pire récession depuis des décennies», comme le fait remarquer l'analyste indépendant Carmy Levy.

Mais échaudés par de précédents scandales, notamment une affaire d'espionnage industriel en 2006, les administrateurs ont craint une fuite potentiellement désastreuse sur les accusations de Jodie Fisher.

Le Wall Street Journal écrit aussi lundi que le CA a probablement achevé de perdre confiance en apprenant que M. Hurd avait négocié à son insu un accord à l'amiable avec Mme Fisher.

Le groupe publiera jeudi ses résultats pour le second trimestre.