Le PDG de Quebecor, Pierre Karl Péladeau, menace de poursuivre le gouvernement fédéral si le ministre du Patrimoine n'intervient pas pour changer les critères d'admissibilité au Fonds des médias du Canada et permettre à des émissions comme Star Académie d'en bénéficier.

Dans une lettre envoyée au ministre James Moore le 14 juin et que La Presse a obtenue, M. Péladeau fustige le conseil d'administration et son président, Louis Roquet, pour l'interprétation qu'ils font des critères d'admissibilité au fonds de 350 millions de dollars mis sur pied par Ottawa en avril dernier.

M. Péladeau dénonce entre autres le fait que Star Académie, «le plus grand succès de l'histoire de la télédiffusion canadienne», ne soit pas admissible.

«Nous vous pressons d'intervenir sans délai pour vous assurer qu'une autre occasion semblable ne soit pas perdue», écrit le président en anglais.

«Les événements des derniers mois nous ont amenés à envisager sérieusement des poursuites judiciaires ou réglementaires et de réserver nos droits et recours à cet égard», dit-il encore.

Le Fonds des médias du Canada est né de la fusion du Fonds des nouveaux médias et du Fonds canadien de la télévision. Il est financé au tiers par les contribuables et aux deux tiers par une taxe imposée aux diffuseurs par câble ou satellite.

La lettre a été envoyée au ministre, aux membres du conseil d'administration du Fonds et aux représentants des diffuseurs.

Les nouveaux critères, qu'il revient au conseil d'administration d'appliquer, reposent notamment sur le succès commercial du projet soumis, qui doit être établi ou potentiel. Les émissions de variétés ou les arts de la scène ne peuvent recevoir de financement que si «le promoteur peut démontrer que le marché seul ne peut en soutenir la production».

«Clairement, des changements sont requis dans la définition des variétés et des arts de la scène», tranche Pierre Karl Péladeau, qui note au passage qu'il est inacceptable que des éléments comme des concours ou des présentations de prix puissent disqualifier une émission.

Charge contre le président

Dans sa lettre, M. Péladeau se plaint également du fait que le conseil d'administration soit présidé par Louis Roquet, qui est aussi directeur général de la Ville de Montréal. «M. Roquet ne peut accorder au Fonds des médias du Canada tout le temps qu'il nécessite», dit-il. Il ajoute que Montréal, «une grande ville en plein bouleversement», nécessite elle aussi que son directeur général s'y consacre exclusivement.

Le vice-président aux affaires corporatives de Quebecor, Serge Sasseville, s'est aussi adressé aux membres du conseil d'administration du Fonds pour dénoncer la présidence de M. Roquet. «Nous nous interrogeons sur la capacité de M. Roquet à continuer à occuper la charge de président du conseil d'administration», écrit-il dans un courriel que La Presse a également obtenu. «Nous demandons aux membres de ce conseil d'administration de prendre action dans les plus brefs délais», peut-on y lire.

Pas d'intervention

Au bureau du ministre Moore, hier, on marchait sur des oeufs. «Nous allons répondre à la lettre», a simplement dit le directeur des communications, Jean-Luc Benoît.

Quant à la demande d'intervention formulée par Pierre Karl Péladeau, il n'a pas souhaité s'avancer. «Les critères sont établis et on n'intervient pas dans les décisions du Fonds.»

Louis Roquet, Pierre Karl Péladeau et Serge Sasseville n'ont pas répondu aux demandes d'entrevue de La Presse.