Haïti est le pays le plus pauvre des Amériques. Le 24e plus pauvre au monde. Sa force économique est équivalente à celle de la région de Laval, même si le pays est 22 fois plus populeux.

En progression constante depuis 2005, l'économie haïtienne connaissait quelques signes encourageants. Avec le séisme, tout est à recommencer. «C'est une catastrophe», dit Paul-Martel Roy, un professeur d'économie à l'UQAM qui devait se rendre à l'Université Quisqueya dans la capitale de Port-au-Prince la semaine prochaine pour une réunion.

Depuis 2008, l'UQAM aide l'université haïtienne à offrir un programme de maîtrise en développement urbain dans les bidonvilles. «Comme les bidonvilles sont surtout situés près de l'eau, on croit qu'ils ont été moins touchés que les quartiers en montagnes», dit l'économiste.

Paul-Martel Roy a passé deux semaines à enseigner à Port-au-Prince en décembre dernier. Il ne sait pas quand il pourra revoir ses étudiants haïtiens. Il compte retourner en Haïti dès que possible, question de participer à cette reconstruction qui s'annonce longue et ardue. «Ça va prendre des milliards de dollars, mais il faudra voir comment ce sera géré», dit Paul-Martel Roy.

Car rien n'est simple au plan économique à Haïti. Son produit intérieur brut (PIB) est de 11,59 milliards US, comparativement à 11,71 milliards de dollars canadiens pour celui de la région de Laval. Haïti compte 8,5 millions de résidents contre 385 000 à Laval.

Selon l'ONU, le PIB par habitant est de 1155$US en Haïti, ce qui en fait le 24e pays le plus pauvre au monde. À l'exception des pays africains, seuls les habitants du Népal (1049$US par habitant) et de l'Afghanistan (1049$US par habitant) sont plus pauvres que les Haïtiens.

Selon l'économiste Stéphane Pallage, l'économie haïtienne se résume essentiellement à l'agriculture. «Tous les oeufs sont mis dans le même panier», dit le directeur du département de sciences économiques de l'UQAM.

L'économie haïtienne dépend aussi beaucoup de l'aide internationale, autant celle des organismes officiels comme la Banque mondiale et le Fonds international ou des dons de la diaspora haïtienne. Selon l'ONU, les Haïtiens expatriés à l'étranger envoient en moyenne chacun 127$US par année à leur famille. La moyenne mondiale est de 58$US, celle des pays sous-développés de 22$US. La diaspora haïtienne injecterait ainsi 1,2 milliard US par année dans l'économie de son pays d'origine.

Selon l'économiste Stéphane Pallage, l'appui financier de la diaspora haïtienne n'est pas étranger aux progrès réalisés par Haïti depuis l'élection du président René Préval en 2006. «Haïti est officiellement une démocratie depuis longtemps, mais il y a une certaine stabilité depuis l'arrivée de René Préval à la tête du pays, dit Stéphane Pallage. Avec Préval, il y a eu un regain de confiance général, notamment au sein de la diaspora haïtienne qui a commencé à réinvestir dans le pays. Il semble que la corruption ait diminué. C'est très décourageant d'investir dans un pays très corrompu qui peut vous enlever votre permis ou vous taxer de façon discrétionnaire à tout moment.»

Marché noir

Comme tous les pays très pauvres, Haïti a un marché noir très développé. «Il constitue 70% des emplois du pays», dit l'économiste Paul-Martel Roy. Pour cette raison, il est difficile de connaître avec certitude la situation du chômage.

Entre 1990 et 2007, le PIB par habitant s'est contracté en moyenne de 2,0% par année. «Mais la croissance économique a été positive au cours des dernières années», dit Paul-Martel Roy.

Haïti avait même commencé, lentement mais sûrement, à se développer une industrie touristique. «Le tourisme était en train de reprendre, dit Paul-Martel Roy. Les endroits de villégiature ne sont pas moins sécuritaires que certains endroits au Mexique. La croissance économique n'allait pas aussi vite que la croissance la population et les disparités de richesse continuent d'augmenter, mais la situation s'améliorait.»

Jusqu'à mardi dernier, jour du séisme. Cette catastrophe naturelle et humaine nécessitera une aide internationale colossale. Déjà, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont chacun contribué à hauteur de 100 millions US. «L'aide internationale va être multipliée grandement en Haïti, dit l'économiste Stéphane Pallage. Cette crise est triste et personne n'aurait souhaité ça, mais ça donne la possibilité de reconstruire sur de nouvelles bases, un peu comme le plan Marshall après la Seconde Guerre mondiale. Haïti peut redécoller, mais ça va prendre des années.»