L'année 2010 sera la plus «excitante» de la jeune histoire de l'industrie du sans-fil, prédisent les experts. Avec l'arrivée de plusieurs nouveaux fournisseurs et la multiplication des téléphones «intelligents», les Canadiens auront du choix comme jamais. Et de meilleurs prix. Tour d'horizon de l'année qui s'amorce.

«Ne vous enfermez pas dans un contrat que vous regretterez: la concurrence s'en vient!»

Ce message, placardé par DAVE Wireless dans une dizaine d'abribus d'Ottawa et de Toronto, vise évidemment à attirer les clients chez ce nouveau fournisseur sans fil. Mais au-delà des slogans promotionnels, les experts sont formels: 2010 sera une année charnière dans l'industrie canadienne de la téléphonie mobile. L'année de la concurrence.

«On pense que ce sera l'année la plus excitante dans le sans-fil depuis l'avènement du cellulaire dans les années 80», affirme Iain Grant, président du SeaBoard Group, boîte montréalaise d'analyse de télécoms.

Après une fin 2009 marquée par la guerre juridique entre Bell, Rogers et Telus - qui se chicanent pour déterminer qui a le meilleur réseau - et le lancement du service de Globalive à Toronto, le début de 2010 sera chargé d'annonces de la part des nouveaux fournisseurs. Public Mobile, Vidéotron et DAVE Wireless devraient tous entrer en activité au cours des prochains mois, tandis qu'Eastlink et Shaw songent aussi à entrer dans la course.

Les Canadiens seront bombardés d'offres de ces nouveaux venus, auxquelles s'ajouteront les promotions des trois acteurs établis. Les prix, déjà en baisse depuis plusieurs trimestres, poursuivront leur recul.

«On verra Rogers et Bell et Telus changer leurs offres et leurs tarifs pour affronter ceux de Vidéotron, fait valoir Iain Grant. En somme, 2010 sera une bonne année pour être un client sans fil.»

Le revenu mensuel moyen par abonné - une mesure-clé dans l'industrie - a déjà diminué de 3,9% au troisième trimestre de 2009, selon les chiffres compilés par Merrill Lynch et obtenus par La Presse Affaires. La facture des abonnés canadiens atteint en moyenne 54,85$ chaque mois, ce qui la place au troisième rang des plus salées de toute la planète. Les prix demeureront élevés l'an prochain selon les normes internationales... mais ils seront tout de même plus digestes pour les consommateurs.

Révolution techno

L'année qui s'amorce ne sera pas seulement marquée par la concurrence accrue. L'industrie du sans-fil assistera aussi à une transformation accélérée de sa structure de revenus.

La portion du chiffre d'affaires tirée du transfert de données - textos, navigation sur l'internet, télé mobile - prendra une part de plus en plus importante pour les fournisseurs. En 2009, cette part a atteint environ 20%; elle devrait s'établir à 24% à la fin de l'an prochain, prévoit le Convergence Consulting Group (CCG) de Toronto, spécialisé en télécoms.

«Il n'y aura aucune croissance de revenus dans la voix: toute la croissance proviendra du transfert de données», avance Brahm Eiley, président du CCG.

Bien des adolescents sont déjà accros des fonctions évoluées de leurs appareils. Ils naviguent sur YouTube, Facebook et s'envoient des messages vidéo. «Au moins la moitié de mes amis ont des téléphones intelligents, c'est vraiment la norme», raconte Elisabeth Bayard Arthur, 15 ans... qui s'est fait saisir son iPhone par son père à cause de sa surutilisation.

Or, les iPhone et autres Blackberry ne seront bientôt plus l'apanage des ados, gens d'affaires et technophiles. Si l'on se fie aux prévisions du CCG, ces appareils high tech feront une percée majeure en 2010. Le tiers des Canadiens en possédera un à la fin de l'année, comparativement à 24% aujourd'hui, selon le groupe d'analyse.

Comme il y a environ 22 millions d'abonnés sans fil au pays, cela veut dire que près de 2 millions de nouveaux téléphones intelligents seront vendus au cours de la prochaine année. Une manne pour les fabricants.

Le lancement d'un nouveau réseau conjoint HSPA" par Telus et Bell en novembre dernier, beaucoup plus puissant que leur autre réseau CDMA, devrait aussi favoriser la pénétration accrue des appareils intelligents au pays. Les deux fournisseurs ont maintenant accès à des téléphones plus sophistiqués, dont le iPhone d'Apple, qui était jusqu'à présent l'apanage de Rogers.

L'analyste Iain Grant, du SeaBoard Group, souligne toutefois qu'il existera toujours un marché pour les gens à la recherche d'un téléphone simple et abordable, destiné seulement à parler et à envoyer des textos. Public Mobile, qui lancera son service à Montréal d'ici quelques mois, visera exactement ce créneau.

QUI SONT LES NOUVEAUX VENUS?

1. Vidéotron

Après quelques reports, la filiale de Quebecor devrait lancer son service «l'été prochain» sur un tout nouveau réseau 3,75G évolué, a confirmé hier Vidéotron. L'entreprise a allongé 555 millions pour mettre la main sur des licences sans fil auprès d'Industrie Canada, et elle investit à peu près autant pour bâtir ses infrastructures. Vidéotron offrira des appareils intelligents comme le BlackBerry et espère répéter le succès rencontré avec sa téléphonie résidentielle numérique, qui a raflé 1 million de clients à Bell en cinq ans. Les prix seront plus bas pour les abonnés qui souscrivent déjà à d'autres services du câblodistributeur, comme l'internet, promet Vidéotron.

2. Public Mobile

Ce nouveau venu promet un service sans flafla, à prix fixe. Pour 40$ par mois, Public Mobile offrira un forfait voix et texto illimités. Les appareils seront simples et économiques, à mille lieues du populaire iPhone. L'entreprise a investi seulement 52 millions dans l'enchère de licences sans fil organisée par Industrie Canada au printemps 2008, achetant des fréquences peu désirables du «bloc G», jamais utilisées jusqu'à aujourd'hui pour la téléphonie cellulaire. Or, grâce à un nouveau logiciel, Public Mobile affirme avoir rendu des appareils existants compatibles avec cette fréquence. Des doutes subsistent quant à la fiabilité, mais l'entreprise se montre rassurante. Lancement prévu à Montréal et à Toronto dans les premiers mois de 2010.

3. Wind Mobile

Après des semaines de tergiversation, Globalive a finalement lancé son service à Toronto la semaine dernière, sous la bannière Wind Mobile. L'entreprise dirigée par Anthony Lacavera était sur le point de pénétrer le marché quand le CRTC l'a empêchée en novembre dernier. Le problème? Globalive est contrôlée majoritairement par un groupe étranger l'égyptien Orascom Telecom Holding , ce qui contrevient aux lois canadiennes, selon l'interprétation du CRTC. Or, Industrie Canada avait déjà accepté la soumission de Globalive lorsqu'elle a encaissé son chèque de 442 millions pour l'achat de fréquences sans fil, au printemps 2008. Le ministre fédéral de l'Industrie, Tony Clement, a donc renversé la décision du CRTC, permettant à Wind Mobile de lancer ses activités. L'entreprise compte offrir son service partout au pays, à l'exception du Québec.

4. DAVE Wireless

Ce nouveau venu ontarien visera avant tout les grandes villes du pays, sauf celles situées au Québec. L'entreprise bâtit présentement un réseau 3G à Toronto, Vancouver, Calgary, Edmonton et Ottawa, et projette de lancer son service au cours des six premiers mois de l'année. Des appareils intelligents seront offerts, avec une gamme de services évolués, mais la société ne divulgue aucun détail pour l'instant. DAVE Wireless, financée par deux groupes privés, a allongé 243 millions pour mettre la main sur des licences sans fil. Le groupe affirme qu'il aurait aimé être présent au Québec, «mais que Vidéotron a raflé la majorité des licences disponibles».

5. Shaw et Eastlink

Ces deux câblodistributeurs, l'un situé dans l'ouest du pays et l'autre dans les Maritimes, ont investi respectivement 190 et 26 millions dans l'achat de licences sans fil auprès d'Industrie Canada en 2008. Cependant, aucune n'a encore énoncé de plans précis pour le lancement prochain d'un nouveau service.

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Le sans-fil au Canada

22 millions d'abonnés

68%: Taux de pénétration à la fin de 2009

72%: Taux de pénétration prévu à la fin de 2010

15,9 milliards de dollars de revenus en 2008

92 millions de textos envoyés chaque jour

-3,4%: Baisse moyenne des prix en 2009

Sources : Association canadienne des télécommunications sans fil, Convergence Consulting Group, Bank of America/Merrill Lynch