Les nombreux signes que l'économie mondiale se stabilise ne doivent pas faire illusion. C'est uniquement la preuve que les mesures exceptionnelles de stimuli adoptées par les gouvernements et les autorités monétaires commencent à porter fruit et non que le secteur privé est en mesure d'assurer par lui-même la relance.

«Un secteur privé qui vient de recevoir une leçon d'humilité peut souhaiter de s'engager de nouveau uniquement s'il est convaincu que le système est résilient», prévient Mark Carney. Le gouverneur de la Banque du Canada prononçait hier le discours de clôture de la 15e Conférence de Montréal qui avait pour thème l'adaptation au nouvel ordre mondial.

Élus et banquiers centraux devront montrer beaucoup de vigilance et de doigté pour refiler au secteur privé les risques qu'il n'est pas en mesure de prendre maintenant. «La récente prise de risques par le secteur public crée un aléa moral, a-t-il souligné. Si rien n'est fait, cela finira par encourager certains comportements du secteur privé qui intensifieront le risque global au sein du système.»

Pour être couronnée de succès, la prochaine vague de mondialisation devra être mieux enracinée et ses participants plus responsables. Cela exige une refonte des infrastructures financières internationales.

Elles ont été très déficientes pour empêcher la crise actuelle, a souligné pour sa part Guillermo Ortiz-Martinez, gouverneur de la Banque du Mexique. «Il est fondamental d'avoir un mécanisme de refonte pour assurer la stabilité de l'économie mondiale. Malheureusement, nous n'avons pas encore trouvé son architecture.». L'engagement de M. Ortiz-Martinez au Conseil de la stabilité financière a d'ailleurs été loué par M. Carney.

De son côté, Compton Bourne, président de la Banque de développement des Caraïbes, a rappelé que les membres du G20 «ont un agenda à compléter pour les pays en développement de taille modeste». Les critères actuels d'admissibilité aux crédits du Fonds monétaire international sont trop élevés pour ces économies qui dépendent de l'investissement direct étranger et du tourisme, deux ressources qui se sont raréfiées, déplore-t-il.

M. Carney croit pour sa part qu'il y a quatre préalables au renouvellement de la mondialisation: la transparence accrue pour mieux évaluer le risque, une plus grande efficience des marchés de financement grâce notamment à la standardisation des produits, l'adoption de règles macroprudentielles et l'acceptation par tous les pays de leurs responsabilités pour l'ouverture du système monétaire.

Aux yeux de M. Carney, les lacunes passées ont engendré des formes de parasitisme et des déséquilibres dont nous payons le prix. Rebâtir la mondialisation prendra du temps, avertit-il. «Sans cadres de politique crédibles et sans infrastructure de marché robuste, la prise de risques par le secteur privé pourrait ne pas revenir à un niveau suffisant.»

M. Carney a rappelé que la question des actifs toxiques dans certaines grandes banques non canadiennes n'est toujours pas réglée, pas plus que la relance de la titrisation privée. Bref, la stabilisation du système financier mondial n'est pas complétée et cela retarde les conditions d'une reprise durable à l'échelle internationale et canadienne.

Le gouverneur souhaite que la réunion des ministres des Finances du G-7 ce week-end fasse avancer ce dossier.

Plus tôt durant la matinée, l'ancien ministre fédéral Pierre Pettigrew, aujourd'hui conseiller de la direction de Deloitte, a brossé à grands traits les 30 dernières années. Le tandem Thatcher-Reagan avait trouvé son slogan: le problème, c'est le gouvernement. S'ensuivit une vague de déréglementation, de privatisation et de libéralisation. Cette médecine de cheval contrecarrait l'essor du multilatéralisme, pourtant à l'origine des accords de Bretton Woods, largement dessinés par les États-Unis, au sortir de la guerre mondiale.

«Aujourd'hui, le multilatéralisme revient en force et les États-Unis continueront d'en assumer le leadership», prédit-il.

Une nouvelle ère s'ouvre, celle d'un retour à l'équilibre public-privé, une valeur chérie par le Canada. «J'ai confiance que le président Obama voie dans le Canada une source d'inspiration», a-t-il dit.

Au lieu du tandem Thatcher-Reagan, M. Pettigrew a déridé l'assistance en proposant celui d'Obama-Canada.