Pour neutraliser les velléités protectionnistes des démocrates, le Canada devrait promouvoir le commerce bilatéral avec les États-Unis.

«L'idée derrière l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis de 1989 consistait à isoler le Canada contre le protectionnisme américain qui visait d'autres États», rappelle Marc L. Busch. Il vient de signer une étude pour le Conference Board sur les enjeux commerciaux pour le Canada, compte tenu de l'élection des démocrates en novembre et de la récession présente.

M. Busch passe en revue l'ensemble des déclarations des élus des deux camps afin d'y discerner si les États-Unis entrent dans une phase de protectionnisme ou d'ouverture.

Il en déduit que la perception négative des Américains à l'endroit de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) vient surtout de craintes à l'endroit du Mexique. En particulier du respect des règles en matière d'environnement et de travail qui font l'objet de deux ententes parallèles à l'ALENA. «Les Américains considèrent que commercer avec le Canada, c'est comme commercer avec le Dakota-du-Nord», poursuit M. Busch.

Reste que des litiges sont possibles, comme en font foi les incessantes querelles à propos du bois d'oeuvre.

Là-dessus, M. Busch fait remarquer que l'administration de Barack Obama use de stratégie avec les éléments les plus protectionnistes parmi les sénateurs et les représentants, ces derniers étant particulièrement vulnérables aux pressions de leurs commettants. Plutôt que d'attiser les réflexes protectionnistes susceptibles de faire beaucoup de tort aux Américains eux-mêmes, la Maison-Blanche met l'accent sur la mise en application des accords.

C'est en ce sens que doit être comprise la renégociation de l'ALENA pour que les volets travail et environnement puissent faire l'objet de litiges en bonne et due forme. Ouvrir l'ALENA, c'est peut-être aussi signer son arrêt de mort, prévient cependant l'auteur.

Voilà pourquoi le Canada a tout intérêt à promouvoir les échanges bilatéraux quand il s'adresse aux autorités américaines. Rien ne l'empêche, en même temps, de faire la promotion de l'ALENA pour continuer de développer sa relation commerciale avec le Mexique.

Pour accroître sa crédibilité, le Canada doit aussi indiquer comment il mettra en application d'autres accords de libre-échange conclus, mais pas encore en vigueur. M. Busch pense à particulier à celui avec la Corée du Sud. Les syndicats américains craignent que cet accord s'avère un cheval de Troie pour l'entrée massive de biens sud-coréens fabriqués avec des normes de travail déficientes qui représentent de la concurrence déloyale à leurs yeux.

S'il est difficile de savoir où la Maison-Blanche loge au juste en matière de commerce, l'auteur croit que la résolution récente d'un litige avec le Mexique l'éveille aux dangers du protectionnisme. En vertu de l'ALENA, le Mexique a obtenu le droit d'imposer des mesures de rétorsion aux États-Unis trouvés coupables par le tribunal d'arbitrage d'avoir violé l'ALENA.

Bref, mettre l'accent sur la mise en application des accords plutôt que le protectionnisme se révélera peut-être la marche à suivre pour convaincre les élus du Congrès des bienfaits d'accords de libre-échange.

«Aussi ironique que cela puisse sembler, un des présidents les plus sceptiques en matière de commerce, qui travaille avec un Congrès qui l'est encore plus, pourrait bien s'avérer seul capable d'étendre la mondialisation des échanges ou au moins empêcher qu'elle ne recule», conclut-il.

Entre-temps, le Canada a tout intérêt à cultiver son alliance commerciale en convainquant avant tout les grands groupes industriels, susceptibles de souffrir eux aussi du protectionnisme.