La carrière de Johanne Desbiens chez Wal-Mart (WMT) a été abruptement abrégée en 2005 quand le géant du détail américain a mis la clé sous la porte de sa succursale de Jonquière.

La carrière de Johanne Desbiens chez Wal-Mart [[|ticker sym='WMT'|]] a été abruptement abrégée en 2005 quand le géant du détail américain a mis la clé sous la porte de sa succursale de Jonquière.

Quelques semaines plus tôt, ses collègues du magasin saguenéen et elle avait fait la une des journaux en obtenant leur accréditation syndicale, une première pour des employés de Wal-Mart en Amérique du Nord.

La nouvelle de la fermeture du magasin était ensuite tombée comme une tonne de brique.

En perdant son emploi, Mme Desbiens ne se doutait probablement pas de l'ampleur des connaissances qu'elle allait acquérir sur le système de justice de son pays. Car après quatre ans de batailles judiciaires, sa cause est désormais entre les mains des juges de la Cour suprême du Canada.

Wal-Mart avait-il le droit de mettre à pied les 190 employés de sa succursale de Jonquière le jour même où un arbitre était désigné pour imposer une toute première convention collective au géant du détail?

C'est à cette question que les magistrats du plus haut tribunal du pays devront répondre, ayant entendu mercredi les arguments des deux parties.

Raison «juste et suffisante»

L'arbitre choisi à l'époque pour trancher entre les revendications de la multinationale et celles des travailleurs n'aura jamais pu imposer de convention collective, puisque la compagnie lui coupait l'herbe sous le pied en fermant sa succursale.

Simple coïncidence?

Non, croit Mme Desbiens, qui est convaincue que Wal-Mart a agi de la sorte en raison des activités syndicales de ses employés.

«Depuis le début, je crois que (la mise à pied) était pour une raison syndicale. Etant une employée, à l'intérieur, on savait que (le magasin) allait quand même bien», a-t-elle confié en marge des audiences.

Wal-Mart pour sa part se défend d'avoir congédié ses employés parce qu'ils s'étaient récemment syndiqués. L'entreprise explique qu'ils ont été mis à pied tout simplement parce que le magasin lui-même fermait.

Selon les avocats de la multinationale, la fin des activités du magasin de Jonquière est une raison «juste et suffisante» pour mettre un terme au contrat de ses salariés.

Les tribunaux inférieurs ont tous donné raison à Wal-Mart.

Et il serait dangereux que la Cour suprême n'abonde pas dans le même sens, a notamment prévenu le Conseil du patronat du Québec, l'un des nombreux intervenants dans cette cause.

«Le code du travail n'impose aucune obligation aux employeurs de rester en affaire», a plaidé l'avocate Manon Savard.

Elle a fait valoir que tant la législation, tant la jurisprudence «reconnaît le droit, à un employeur, de fermer son entreprise pour les motifs qui lui sont propres.»

Pas de réouverture

Les travailleurs de la succursale de Jonquière de Wal-Mart se font peu d'illusions: peu importe ce que tranchera la Cour suprême, ils ne récupéreront pas leur emploi.

«On n'a pas demandé la réouverture du magasin. On sait que ça n'arrivera pas», a expliqué l'un des avocats des ex-employés, Claude Leblanc.

«Ce qu'on a demandé, c'est que l'entreprise ne puisse fermer comme bon lui semble, en terme de représailles pour l'exercice du droit d'association, qui est protégé par la Charte (canadienne des droits et libertés)», a-t-il ajouté.

Mme Desbiens, elle, veut que sa cause fasse progresser le droit du travail.

«On veut que ce soit une première. On veut que la loi change, que ça serve de jurisprudence à l'avenir», a-t-elle indiqué.

La Cour suprême devrait faire connaître son jugement dans quelques mois.

Récemment, Wal-Mart a de nouveau défrayé les manchettes en fermant l'atelier automobile de sa succursale de Gatineau en octobre, après que les huit employés eurent signé leur convention collective.

Les employés du magasin de Saint-Hyacinthe, syndiqués peu après ceux Jonquière, sont pour leur part toujours en attente d'une première convention collective.