La saison des soldes après-Noël s'allonge chez de nombreux détaillants, au bénéfice des consommateurs aux goussets pas trop dégarnis.

La saison des soldes après-Noël s'allonge chez de nombreux détaillants, au bénéfice des consommateurs aux goussets pas trop dégarnis.

Mais pour les investisseurs boursiers, c'est l'équivalent d'un dense brouillard hivernal à propos du potentiel de rendement des actions de ces détaillants.

Guerre de prix d'une rare vivacité, récession imminente aux États-Unis et risque de contagion de l'économie canadienne, en particulier au Québec et en Ontario

Bref, une conjoncture type pour affecter sérieusement les résultats financiers des grands détaillants, appréhendent les investisseurs.

À preuve, l'indice sectoriel des détaillants à la Bourse de Toronto a reculé de 17% entre la fin d'octobre et la fin de janvier dernier.

Mais il a va un peu mieux depuis deux semaines. Est-ce un signal que des investisseurs opportunistes flairent les bonnes occasions?

Parmi les analystes, en tout cas, les recommandations d'achat prévalent à l'endroit des actions des principaux détaillants canadiens cotés en Bourse.

Un exemple probant: Alimentation Couche-Tard, l'as québécois des dépanneurs qui a grandi considérablement aux États-Unis.

«C'est un détaillant réputé dans son domaine qui a un attrait à la fois comme titre défensif et offensif, dans la conjoncture de détail qui se dégrade», résume Vishal Shreedhar, analyste en commerce de détail chez UBS, à Toronto.

«Défensif parce que les dépanneurs constituent l'un des créneaux du commerce de détail qui résistent le mieux à un ralenti économique. Même qu'il peut parfois en tirer profit», selon l'analyste.

«Mais Couche-Tard a aussi un attrait de placement offensif grâce à son potentiel de croissance par acquisition, aux États-Unis surtout, où le marché des dépanneurs demeure très fragmenté».

Selon l'analyste, Couche-Tard pourrait lever près d'un milliard en financement sans trop alourdir son bilan. Mais il devra éviter aussi de se laisser tenter par des actifs vendus trop cher.

Alimentation

Les supermarchés forment un autre important créneau du commerce de détail qui a la réputation de mieux résister aux ralentis économiques.

Pourtant, la valeur boursière de deux poids lourds, Loblaw et Metro, a beaucoup souffert ces derniers mois.

Il faut dire qu'ils sont aux prises avec des maux de gestion et une guerre de prix dans le plus gros marché alimentaire au pays: le sud de l'Ontario, avec ses 10 millions de résidants.

Chez Loblaw, qui détient aussi Provigo et Maxi au Québec, ses plus récents résultats ont encore déçu.

Manifestement, la réorganisation majeure de sa distribution et la remise en forme de sa commercialisation tardent à combler les attentes.

Entre temps, Loblaw doit se résoudre à des soldes coûteux afin de maintenir un bon achalandage dans ses magasins.

Une stratégie d'affaires qui risque d'endommager davantage la valeur de l'entreprise, critique l'analyste Perry Caicco, spécialiste du commerce de détail chez Marchés mondiaux CIBC.

N'empêche, si les «bonnes améliorations» se concrétisent bientôt, en magasins d'abord et dans ses résultats, M. Caicco estime que Loblaw pourrait effectuer un vif rebond en Bourse.

Selon Keith Howlett, analyste du commerce de détail chez Valeurs mobilières Desjardins: «Loblaw achève sa restructuration afin de reprendre le leadership canadien de l'alimentation. Ça tarde un peu, certes, mais sa valeur boursière a reculé à un niveau attrayant, pour le moyen terme.»

Chez le concurrent Metro, les récents résultats, très affectés par ses problèmes de prix et de gestion en Ontario, ont aussi déçu nombre d'investisseurs et analystes.

«Metro n'a pas encore accompli l'intégration et la relance des supermarchés A&P et Dominion en Ontario, qui stagnaient déjà au moment de leur achat il y a deux ans. Ça pèse sur ses résultats financiers au point d'annuler les économies de synergie que Metro anticipait de cette acquisition», selon Perry Caicco, de Marchés mondiaux CIBC.

Pharmacies

Les grands détaillants pharmaceutiques profitent aussi parmi les investisseurs boursiers d'un sentiment de placement "défensif", dans un contexte de ralenti économique.

C'est d'ailleurs l'un des facteurs qui ont le mieux soutenu la valeur boursière de Shoppers Drug Mart (Pharmaprix au Québec) au cours des derniers mois.

Au point qu'elle a dépassé celle de Loblaw, qui fait pourtant trois fois sa taille!

Manifestement, le plan d'affaires dynamique de Shoppers, axé sur l'ajout de magasins et la croissance interne de produits plus rentables, comme ses marques maison et les produits de beauté, continue d'attiser les investisseurs boursiers.

Peut-être trop?

«Aucun détaillant n'est vraiment immunisé aux récessions. Mais les supermarchés et les pharmacies sont habituellement les moins touchés. Et avec Shoppers, le potentiel de croissance au Québec et dans l'Ouest du Canada est encore considérable», estime Perry Caicco, de Marchés mondiaux CIBC.

Avis semblable de la part de Vishal Shreedhar, analyste chez UBS à Toronto.

«Shoppers est un détaillant fort dans sa catégorie. Il devrait continuer d'avoir des résultats financiers enviables, malgré le risque de baisse des dépenses des consommateurs».

À l'égard du concurrent québécois de Shoppers, le Groupe Jean Coutu, les avis des analystes sont aussi positifs, mais avec quelques réserves.

Ils apprécient que Jean Coutu (PJC) ait réglé sa coûteuse mésaventure américaine. Elle a abouti à une part de 32% du capital de Rite Aid, au lieu de s'accrocher à une filiale désespérée.

«PJC est un détaillant beaucoup plus attrayant pour les investisseurs boursiers depuis cet échange d'actifs aux États-Unis», résume Winston Lee, analyste en commerce de détail chez Crédit Suisse, à Toronto.

En contrepartie, constatent les analystes, Jean Coutu doit remettre au premier plan la «valeur un peu négligée» de ses activités principales, concentrées au Québec.

«PJC a une bonne base d'affaires au Québec, mais dont certains éléments requièrent de nouveaux efforts de rénovation et d'expansion», selon Perry Caicco, de Marchés mondiaux CIBC.

«Entre autres, PJC doit accroître son offre de produits à marge bénéficiaire plus élevée, comme les produits de beauté et des articles saisonniers. S'il y parvient comme Shoppers (Pharmaprix), ses actionnaires vont en profiter grandement.»