À moins d'un revirement spectaculaire en Bourse, l'année 2008 s'annonce l'une des pires en 10 ans pour la Caisse de dépôt et placement.

À moins d'un revirement spectaculaire en Bourse, l'année 2008 s'annonce l'une des pires en 10 ans pour la Caisse de dépôt et placement.

Comme pour la plupart des gestionnaires de caisses de retraite des secteurs privés et publics, d'ailleurs.

Mais que les «pertes» éventuelles de la Caisse de dépôt se chiffrent par dizaines de milliards, comme le clame l'ADQ de Mario Dumont, ça tient encore de la grande devinette financière.

D'autant plus que le calcul effectué par l'ADQ et diffusé lors d'un point de presse devant le siège social de la Caisse, hier, s'avère plutôt bancal.

Premier accroc majeur: l'ADQ parle d'une «perte réalisée» par la Caisse de l'ordre de 30 milliards en date du 29 octobre dernier.

Or, en langage financier, l'expression «perte réalisée» signifie une perte subie lors de la revente d'un actif ou de placements.

Manifestement, la Caisse de dépôt n'avait pas liquidé son portefeuille de placements boursiers au 29 octobre.

Au mieux, comme tout gestionnaire actif de placements, elle effectue des transactions de vente et de rachat de certains titres.

C'est la façon de réaliser des gains, de limiter des pertes ou de profiter d'occasions d'achat de titres à bon prix. Surtout en période de très grande volatilité des marchés.

Deuxième accroc du calcul de l'ADQ: il évalue à 67 milliards le portefeuille boursier de la Caisse en début d'année, auquel il applique le taux élevé de dépréciation des indices boursiers pour calculer la «perte réalisée».

Or, selon les chiffres de la Caisse, son portefeuille boursier valait plutôt 56,4 milliards au 31 décembre 2007, ce qui correspond à 36,3% de son actif net total de 155,4 milliards.

Par ailleurs, en utilisant la dépréciation des indices boursiers pour son calcul des «pertes», l'ADQ sous-entend que la Caisse gère ses placements boursiers de façon indicielle.

Or, c'est bien le contraire qui s'y passe, même si les indices demeurent une mesure de référence. La Caisse emploie des dizaines de gestionnaires professionnels pour, justement, parvenir à la meilleure gestion active de ses placements.

Gestion active

Et c'est lors de marchés baissiers, comme ces derniers mois, qu'une gestion active est habituellement la plus utile afin de tenter de réduire les pertes en portefeuilles à un niveau moindre que la dépréciation des indices.

Un regard historique sur le rendement de la Caisse lors de marchés baissiers antérieurs en dit long sur la pertinence d'une telle gestion active.

En 2002, la pire année en Bourse depuis une décennie avant la crise de 2008, l'indice mondial MSCI avait reculé de 21%, l'indice américain S&P500, de 23%, et l'indice torontois S&P/TSX, de 13%.

Or, durant cette difficile année 2002, la Caisse de dépôt avait limité à 9% la perte de valeur de son actif total, alors à 77 milliards.

Durant les cinq années suivantes, cet actif a plus que doublé à 155 milliards, dont 63 milliards provenant de gains de rendement.

Évidemment, ces cinq années furent aussi celles d'un marché haussier d'une ampleur rare dans l'histoire de la bourse.

Et le revers majeur des derniers mois - un krach au ralenti selon certains - est inquiétant pour les gestionnaires de caisses de retraite.

«Cette incertitude amène la Caisse (de dépôt) à gérer selon des stratégies axées sur la prudence, la protection du capital et la réduction du risque», a indiqué son président, Richard Guay, par voie de communiqué, hier.

Calcul théorique

Quant aux allégations de l'ADQ d'une «perte» d'au moins 30 milliards, on le considère comme un calcul très aventureux, sinon théorique. «La volatilité sur les marchés demeure telle que c'est très imprudent de tenter de calculer des pertes ou des gains à ce moment-ci», a répondu Simon Chagnon, porte-parole de la Caisse de dépôt, à une question de La Presse Affaires sur la composition de l'actif boursier.

Pour tenter d'évaluer le seul portefeuille boursier de la Caisse, il faut considérer sa division en catégories géographiques.

Ce que l'ADQ a omis lors de son calcul, mais que La Presse Affaires a essayé, par curiosité.

Au 31 décembre dernier, les placements de la Caisse en actions négociées en Bourse se retrouvaient en trois catégories: actions canadiennes (13% de l'actif total), actions américaines (4,4%) et actions mondiales/marchés émergents (9,6%).

En dépréciant ces actifs de façon comparable à leur indice régional correspondant, depuis le début de 2008, on parvient à une perte de valeur d'environ huit milliards de dollars.

C'est presque quatre fois moins que la perte alléguée par l'ADQ.

Mais un montant tout aussi théorique, sans égard aux nombreux outils financiers de réduction de risque qu'utilise la Caisse de dépôt.