Une amère chicane d'actionnaires entre deux vieilles familles bien connues du Québec, les Simard de Sorel et les Moisan de Montréal, rebondit de façon dramatique.

Une amère chicane d'actionnaires entre deux vieilles familles bien connues du Québec, les Simard de Sorel et les Moisan de Montréal, rebondit de façon dramatique.

Les industriels Calixa N. Moisan II et son fils André Moisan, ont admis en Cour supérieure avoir pigé au fil des années plus de 3 millions de dollars dans les actifs de Standard Paper Box pour payer des «dépenses qui pourraient être considérées personnelles», écrivent-ils.

Ces admissions font partie de la défense amendée déposée le 10 juin en Cour supérieure du Québec par les Moisan, qui sont poursuivis au civil par les frères Pierre et Paul Simard, actionnaires minoritaires de Standard Paper Box. Les frères Simard sont parmi les nombreux petits-fils et héritiers du légendaire industriel Jos Simard, qui a fait fortune notamment avec Marine Industries, à Sorel.

Les dépenses personnelles

La liste de dépenses personnelles d'André Moisan comprend 10 années de salaire de la gouvernante philippine (143 635$) et du jardinier (16 000$); des voyages de sa famille (200 000$) et de cadres de SPB (85 000$), des rénovations à sa résidence privée et à son chalet au mont Tremblant (557 000$); 5000$ d'essence pour le bateau de 2001 à 2007; la location d'un condo d'hiver à Tremblant (70 000$ en six ans); six ans de salaire pour sa femme (373 224$) alors qu'elle ne travaillait pas pour SPB et trois ans de salaire à un autre membre de sa famille (108 135$) qui ne travaillait pas pour SPB.

La liste de Cal Moisan II, plus spartiate, comprend 77 000$ pour des rénovations à ses résidences personnelles depuis 1964. Et 791 622$ en frais juridiques pour sa défense dans le litige avec les Simard.

Les familles Simard et Moisan, alliées durant un demi-siècle dans Standard Paper Box, se battent en cour depuis 2003 pour le butin de cette papetière centenaire dont les actifs ont été liquidés pour au moins 100 millions de dollars à partir de 2005. Entre autres, quatre usines ont été vendues pour 75 millions à Norampac.

Calixa Moisan II (qui signe Cal N. Moisan) est président du conseil d'administration de SPB. André est président et chef de la direction. Ils sont les actionnaires majoritaires de SPB, fondée en 1903 par leur ancêtre.

Durant les années 50, Jos Simard, propriétaire de Marine Industries, avait investi dans SPB à la demande de son ami, Calixa Moisan I. Depuis ce temps, les Simard ont 17% de SPB.

La poursuite des Simard reproche aux Moisan d'avoir abusé de leur position majoritaire pour faire des transactions au détriment de SPB et des actionnaires minoritaires. Ils ont demandé à la Cour la mise sous séquestre de SPB et sa liquidation judiciaire.

Depuis 2003, les Moisan nient catégoriquement ces accusations de stripping et affirment avoir toujours agi pour le bien commun de tous les actionnaires, y compris quand ils ont obtenu un prix inespéré de 75 millions pour les usines en 2005, en pleine crise du secteur papetier.

Mais leur défense amendée du 10 juin dernier est accompagnée d'une déclaration solennelle dans laquelle les Moisan et la secrétaire de SPB, Claudette Côté, entreprennent de corriger leurs témoignages antérieurs «dans la mesure où ils sont incompatibles avec les faits nouvellement allégués à notre défense amendée».

Ce revirement a été accueilli avec indignation mercredi dernier par les administrateurs indépendants de SPB, Pierre Bourgie, Marc DeSerres et Jean-Luc Lussier, eux aussi poursuivis par les Simard, qui leur reprochent d'avoir mal veillé aux intérêts des actionnaires minoritaires.

À la lecture des admissions des Moisan, MM. Bourgie, DeSerres et Lussier ont été «outrés par les gestes inacceptables et condamnables» des Moisan, écrivent-ils dans leur défense amendée de mercredi.

Ils affirment n'avoir jamais eu connaissance de dépenses personnelles des Moisan au frais de SPB, et rappellent que ces derniers ont catégoriquement nié ces gestes dès 2003, quand les Simard ont intenté leur poursuite.

MM. Bourgie, DeSerres et Lussier affirment maintenant qu'ils auraient eux-mêmes saisi la Cour pour protéger les actionnaires s'ils avaient été au courant de ces dépenses quand ils étaient administrateurs (ils ont démissionné récemment).

Ils disent être «victimes» des Moisan.

La nouvelle défense des Moisan affirme que toutes les dépenses «pouvant être considérées personnelles» ont été remboursées le 9 juin dernier par un chèque de 3 735 399,69$ qui comprend des intérêts de 5%.

Les Moisan en concluent qu'une fois remboursées les «dépenses pouvant être considérées personnelles», les demandeurs (les Simard) n'ont plus d'intérêt dans la cause.

La Presse Affaires n'a pu joindre les avocats des Simard, Me Guy Paquette et Lucien Bouchard, ni celui des Moisan, Me Jacques Jeansonne.